Je ne sais pas comment Geneviève, la mère de Xavier Dolan, a réagi en voyant J'ai tué ma mère.

Pour ma part, je suis sortie du visionnement, le coeur en compote, en réprimant une envie folle d'éclater en sanglots, moi qui pourtant ne pleure jamais au cinéma. La cinéphile en moi a été vivement impressionnée par la sensibilité ardente, le courage et le sens du cinéma de ce tout jeune homme qu'est Xavier Dolan.

Mais c'est la mère en moi qui a été bouleversée par cette histoire mettant en scène un rapport criant de vérité entre une mère et son ado de fils.

Avant d'aller plus loin, mettons une chose au clair. Le titre du film, c'est J'ai tué ma mère, mais en réalité, le titre qui résume mieux le propos du film serait : «Je n'ai pas été capable de tuer ma mère». Car le vrai drame d'Hubert Minel, cet ado en apparence fendant, en réalité fragile et émouvant, c'est qu'il n'est pas capable de couper le cordon avec sa mère (magnifique Anne Dorval), pas capable de commettre le meurtre symbolique et nécessaire à son épanouissement et à son autonomie.

D'entrée de jeu, Hubert s'adresse à la caméra pour nous apprendre qu'il n'aime pas sa mère, enfin qu'il l'aime, mais qu'il ne peut pas être son fils. En réalité, ce qu'il nous présente, c'est le gros plan, plein écran, de la culpabilité qui l'étouffe à mesure qu'il sent monter en lui un besoin de se détacher de sa mère.

Comme tous les enfants rois d'aujourd'hui, souvent des enfants uniques qui ont été élevés dans la ouate, le confort mais aussi l'amour (ne l'oublions pas), Hubert ne sait pas comment marcher tout seul ni se libérer de la dépendance affective qu'il a pour celle qui l'a mis au monde et élevé. Cette impuissance nourrie par une mère polymorphe, à la fois nounou, chauffeur, cuisinière, pourvoyeuse, préfet de discipline et complice, ne fait qu'augmenter sa rage et son désarroi.

J'ai beaucoup pensé à l'Antoine Doinel des 400 coups de François Truffaut en regardant J'ai tué ma mère. J'ai pensé aussi à C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée puisque dans la crise d'adolescence d'Hubert se glisse une homosexualité pudique, mais non moins assumée.

La différence, c'est que nous sommes dans les années 2000. Alors que dans C.R.A.Z.Y., l'homosexualité de Zak et l'homophobie de son père constituaient le coeur de ce drame des années 70, ici, l'homosexualité est un détail quasi anecdotique révélé à la mère par accident. La seule chose qui semble faire problème, ce n'est pas tant l'orientation sexuelle de son fils que le fait qu'il n'ait pas eu assez confiance en elle pour lui en parler. Ce qui nous dit tout le chemin parcouru depuis les années C.R.A.Z.Y..

Socialement, les choses ont beaucoup changé. En revanche, ce qui demeure en quelque sorte universel, intemporel et intact, c'est l'adolescence, cette période transitoire, douloureuse et compliquée où les enfants cherchent à s'affranchir de la loi des parents, où les parents n'acceptent pas que leurs enfants échappent à leur ministère et où la crise ne peut mener qu'à une rupture qui fait toujours des blessés et des morts des deux côtés.

Les parents qui ont des enfants en bas âge ne connaissent pas leur chance. Changer des couches, moucher des nez, soigner des bobos, tout cela est peut-être épuisant, mais tellement plus simple que ce qui attend les parents à l'adolescence de leurs chers petits monstres. C'est ce que nous dit J'ai tué ma mère. Ou du moins, c'est ce que j'en ai retenu. Qu'être un adolescent en 2009, c'est différent, mais aussi difficile que ça l'était, il y a 50 ans, à l'époque d'Antoine Doinel. Mais ce qui est encore plus dur et déchirant, c'est d'être sa mère.