C'est l'histoire d'un type qui sort d'une dépression après une série d'épreuves. À 36 ans, il n'est plus très jeune, n'a jamais été très beau, souffre d'embonpoint et s'empêche de sourire de peur de montrer ses vilaines dents.

Vendeur de téléphones cellulaires dans une petite ville du pays de Galles, Paul Potts n'avait pas grand-chose pour lui et en était douloureusement conscient le jour où il s'est présenté au Millenium Center de Cardiff pour une audition à l'émission culte Britain's Got Talent.

C'était en mars 2007 et comme Potts me l'a répété hier sur la terrasse du Sofitel où il est descendu avec sa femme Julie-Ann, l'audition ne représentait pas un tremplin vers la gloire, mais le dernier clou dans le cercueil de ses rêves. Ce jour-là, Paul Potts croyait sincèrement qu'il s'en allait à l'enterrement d'une carrière qui n'avait jamais existé.

Pourtant, 2 ans, 100 concerts et 3,5 millions d'exemplaires de CD plus tard, Paul Potts est non seulement encore très présent sur la scène de la musique populaire, mais il lance aussi cette semaine son deuxième CD: Passione, une collection d'airs d'Andrew Lloyd Webber, de Nino Rota et de Procol Harum adaptés à la sauce opéra.

Contre toute attente, l'audition qui devait mettre un terme à ses velléités de ténor a fait basculer sa vie comme elle vient de faire basculer la vie de l'Écossaise Susan Boyle, cette vieille fille de 47 ans dont la performance vocale a enflammé la planète et provoqué des millions de clics sur YouTube.

En apparence, l'histoire de Paul Potts et de Susan Boyle est identique et semble écrite par le même scénariste et arrangée par le même gars des vues. Même émission de télévision. Mêmes juges sceptiques et ricaneurs. Même manque de charisme et de sex-appeal chez les deux candidats et puis mêmes revirements miraculeux, puis ravissements de la foule lorsque les deux ont ouvert la bouche pour chanter.

Mais il y a des différences comme me l'a rappelé Paul Potts. D'abord, pour l'instant, Susan Boyle n'a remporté qu'une première manche et non pas l'épreuve finale prévue le 31 mai prochain. Et puis, depuis le 18 avril, elle a un sérieux rival en la personne de Shaheen Jafargholi, un garçon de 12 ans, qui vit à 10 km de nul autre que... Paul Potts au pays de Galles.

«Ce qui a été formidable avec Susan, c'est qu'elle a pris tout le monde de court et qu'elle a fait la preuve qu'on ne devrait jamais se fier aux apparences. Ce fut le cas pour moi aussi. On ne peut pas dire qu'à première vue, j'avais l'étoffe ou le look d'une pop star. Et pourtant, l'année dernière, j'ai donné un peu plus de 100 concerts partout dans le monde. C'était difficile. J'étais nerveux. Je me sentais très exposé. Je bafouillais dès qu'il fallait parler entre les chansons, mais je n'ai jamais annulé un seul concert. J'en tire une grande fierté, d'autant plus que je n'avais jamais fait ça de ma vie.»

Le seul conseil que Paul Potts prodigue à Susan Boyle, c'est de ne pas changer. Ou du moins de faire les changements qui lui conviennent et qui lui permettent de rester elle-même. Potts pour sa part, n'a pas changé grand-chose sinon ses dents et la qualité de ses complets.

«Je m'habille mieux qu'avant parce que j'en ai les moyens. Quant à mes dents, je les ai fait arranger pour pouvoir sourire sur les photos. Avant ça, je n'osais même pas ouvrir la bouche tellement j'étais complexé par mes dents. Maintenant je n'ai plus peur de sourire et ça fait de bien meilleures photos. Pour le reste, peu de choses ont changé. Nous vivons toujours à Swansea, dans une nouvelle maison près de l'ancienne où il y a deux fours au lieu d'un. C'est notre seule extravagance.»

Même si la chance et les succès lui sourient, Potts manque toujours autant d'assurance et a le sentiment de vivre sur du temps emprunté. L'ex-étudiant en philo et en sciences humaines sait que le conte de fées qu'il vit pourrait s'arrêter du jour au lendemain.

«C'est une réalité que je ne veux jamais perdre de vue. D'une part, c'est une façon de me protéger des déceptions et de l'autre, je ne suis pas du genre à tenir les choses pour acquises parce que je sais pertinemment que c'est le public qui décide. Il y a encore des jours où je me lève en me pinçant et en me demandant comment j'ai fait pour en arriver là. Vous savez, il y a une grande différence entre avoir un talent et croire en soi. Moi, je ne peux pas dire que je croyais beaucoup en moi. À l'école, tout le monde se moquait de moi et si la musique est devenue mon refuge, jamais je n'aurais osé rêver en faire un métier.»

Autant dire que, depuis, Paul Potts a eu sa revanche. Aujourd'hui, il ne manque plus grand-chose à son bonheur sinon peut-être l'invitation d'une grande maison d'opéra qui lui proposerait un rôle dans La bohème, son opéra préféré. «J'en rêve, mais je doute que cela arrive parce que je viens de la scène pop et que des chanteurs comme moi ne sont pas considérés comme des chanteurs crédibles et sérieux pour le monde de l'opéra.»

En attendant que le miracle se produise, Paul Potts sera de retour en concert cet été à Montréal. Si Dieu et le public le veulent, bien entendu.

 

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Paul Potts est non seulement encore très présent sur la scène de la musique populaire, mais il lance aussi cette semaine son deuxième CD: Passione.