La ministre Christine St-Pierre veut s'attaquer à la culture de la maigreur extrême dans la mode et les médias. Elle a profité de la Semaine de mode pour en faire l'annonce devant une passerelle où, à quelques reprises cette semaine, de jeunes femmes maigres comme des clous ont défilé. Pas toutes les filles évidemment, mais quelques-unes tout de même, qui ont échappé au code mis au point par les organisateurs de l'événement: des filles aux jambes brindilles, aux bras échalas et aux os des omoplates saillant du tissu comme des couteaux.

La ministre ne vise pas uniquement le milieu de la mode, loin d'être le seul dépositaire d'une tendance lourde qui, dans la pub, les magazines, le cinéma et la télé, nous offre plus souvent qu'autrement la même image lisse et filiforme de femmes qui semblent avoir toutes été coulées dans le même moule réducteur où la diversité des corps est interdite.

 

Cette diversité corporelle est l'un des objectifs de la ministre, qui rêve de voir des images de femmes de toutes les formes et de tous les formats prendre d'assaut les médias comme le font chaque semaine les quatre grâces des Invincibles. La ministre a bien raison. Le problème, c'est le moyen qu'elle a choisi pour y arriver. Pas par un projet de loi, pas par des amendes aux employeurs qui incitent à des comportements anorexiques, pas même par une campagne de sensibilisation à la télé.

Non, la ministre a plutôt choisi la voie un peu abstraite d'une charte d'engagement volontaire calquée sur une charte française signée le printemps dernier à Paris.

Le texte de la charte française contre l'anorexie est disponible sur le Net. À sa lecture, on constate qu'elle est bourrée de bonnes intentions et qu'elle couvre un vaste champ d'action visant autant la population en général et les milieux professionnels que les sites internet qui font l'apologie de l'anorexie comme mode de vie.

J'ai cherché parmi les signataires de cette charte des Français connus et influents, mais exception faite de Tina Keiffer, la très jolie et très mince journaliste de Marie Claire, je n'en ai pas trouvé. Mais bon, je ne connais pas tous les gens influents de France.

Reste que la meilleure façon de tester l'impact de cette charte volontaire, c'est d'aller sur le site du Figaro Magazine et de cliquer sur l'onglet des plus récents défilés de Versace, Armani et Gucci.

Or, qu'est-ce qu'on découvre dans ces défilés, un an après l'implantation de la charte contre l'anorexie? Des mannequins plus maigres les unes que les autres, le visage osseux et cadavérique et les jambes tellement fines qu'elles semblent prêtes à se casser en deux au moindre courant d'air. La mode de la maigreur extrême sur les podiums français est la raison pour laquelle les mannequins québécois n'arrivent pas à percer à Paris. Même si les Québécoises n'ont que quelques kilos de plus que leurs congénères françaises, elles sont jugées trop grosses par les grands designers. La seule façon pour elles d'avoir une carrière internationale, c'est de maigrir. Encore et encore.

Face aux ravages de cette culture de la maigreur qui donne l'impression de ne vouloir s'arrêter que lorsque le corps des femmes aura disparu de la face de la terre, une charte d'engagement volontaire est une bien mince mesure. Sans compter que signer une charte est facile. La respecter et la mettre en application dans la vie de tous les jours l'est un peu moins.

Mais ne soyons pas défaitistes. Une charte est un premier pas dans la bonne direction. Face à la maigreur extrême, les Italiens se sont dotés d'un code d'éthique, les Espagnols d'un pacte social et les États-Unis, d'un code de conduite. Avec sa charte à la française, le Québec s'inscrit dans un vaste mouvement qui un jour fera peut-être une différence et sonnera une nouvelle libération du corps et de son image. En cette veille de 8 mars, c'est le miracle que je souhaite à toutes les femmes.

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