Dire que Jean-François Harrisson était le pilier de la programmation de VRAK.TV serait exagéré. JF, comme tout le monde l'appelait, n'était pas le pilier de la chaîne mais il en était une vedette. Une vedette incontournable, couronnée de quatre Gémeaux et d'une foule d'autres prix, en ondes plusieurs fois par semaine et des centaines d'heures par année, tout cela depuis sept saisons dans R-Force et surtout dans Une grenade avec ça?

Au fil des ans, sa bouille sympathique et souriante, sa dégaine de «jeune Black cool et funny» et son engagement dans les régions auprès des jeunes, qu'il aidait à monter des projets grâce à l'émission R-Force, ont fait de lui le héros et l'idole de la génération VRAK.TV. Et même si son personnage de Pat Béliveau, dans Une grenade avec ça?, était baveux, courailleux et paresseux, il l'incarnait avec un naturel tellement charmant que les jeunes ne pouvaient s'empêcher de s'attacher à lui. Comme pour Pat Béliveau, tout réussissait tout le temps à Jean-François Harrisson. Malheureusement, tout cela est bel et bien fini.

En l'espace de quelques jours seulement, l'idole des jeunes s'est muée en idole déchue, accusée du pire tabou de tous: celui d'avoir possédé et échangé de la pornographie juvénile et infantile.

Mercredi, la police a débarqué chez l'acteur de 34 ans, père d'un petit garçon de 11 ans, et a saisi des centaines de photos compromettantes ainsi que des CD et des DVD.

Depuis, les jeunes de VRAK.TV sont en deuil. Certains pleurent la chute de leur grand frère sur le forum que la chaîne a mis à leur disposition. D'autres profitent de l'occasion pour accabler celui qui, à leurs yeux, les a trompés, déçus, bernés. «Il mérite d'être envoyé en prison pour cela, écrit Camille sur le site de VRAK.TV. Vous vous rendez compte que ça aurait pu être vous sur les films qu'il vendait! C'est ignoble. Je ne veux plus qu'il revienne dans nos émissions. C'est un traître.»

Consciente qu'une grenade, pour ne pas dire une bombe, venait de lui exploser en pleine programmation spéciale de la relâche, la direction de VRAK.TV s'est empressée de retirer des ondes toutes les émissions dans lesquelles jouait l'acteur cette semaine. Pour le reste, la direction s'est refusée à tout commentaire sur l'affaire. Idem pour les producteurs de Zone 3, qui produisent Une grenade avec ça? et qui, jusqu'à cette semaine, espéraient produire la huitième saison de l'émission.

Dans le milieu de la télé, c'est le choc, la consternation et un état d'hébétude qui se mue en lourd silence dès qu'on pose la moindre question sur ce Montréalais qui a grandi à Matane et qui a autrefois été l'ami, l'employé ou le collègue. Subitement, plus personne ne connaît Jean-François Harrisson. Ou si on le connaît, c'est comme ça en passant, assez pour lui dire bonjour, assez pour lui avoir fait passer une audition et confié un rôle, mais sans plus. L'idole des jeunes a rejoint le camp des pestiférés.

Ce n'est pas étonnant. De tous les crimes, ceux associés à la pédophilie comme à la pornographie juvénile suscitent le plus grand malaise et soulèvent la plus grande indignation. La société a tiré un trait. Elle est capable de tolérer certains comportements qu'elle juge douteux, mais il y a des limites. La pornographie juvénile en est une.

Jean-François Harrisson aurait été accusé et reconnu coupable de vol à l'étalage, de délit de fuite, de trafic de drogue ou de blanchiment d'argent que l'opinion publique aurait un jour fini par passer l'éponge. Tôt ou tard, après sa sortie de prison, il aurait pu écrire un livre, faire son mea-culpa et être pardonné. Mais la pornographie juvénile ne se pardonne pas. Une fois que sa sale étiquette atterrit sur un front, un nom et une réputation, c'en est fini.

Pour l'instant, les preuves contre Jean-François Harrisson demeurent un secret bien gardé. Pour certains, c'est le signe que tout n'est peut-être pas perdu ou qu'il y a peut-être eu une erreur. D'autres envisagent déjà le pire, sachant que du matériel a bel et bien été saisi chez l'acteur et que, de toute évidence, il ne s'agit ni de livres pour enfants ni de DVD d'Annie Brocoli.

Sur le site de l'agence qui représente Jean-François Harrisson, on peut lire que la cause des jeunes lui tient particulièrement à coeur. C'est vrai. Les jeunes, c'était la vie et le fonds de commerce de Jean-François Harrisson. Qui aurait pu se douter qu'un jour, les jeunes seraient peut-être aussi sa perte?