Corrigez-moi si je me trompe, mais si je me fie à ce qui se dit sur vous dans les médias, chers électeurs, vous ne voulez rien savoir de l'élection du 8 décembre. Vous êtes tellement contre que la moitié d'entre vous fera comme Marie-France Bazzo et n'ira pas voter. Pour ce qui est de l'autre moitié, pas un jour de campagne ne passe sans qu'elle ne chiale publiquement contre cette élection qui est une absurdité, une aberration et un exercice inutile et dispendieux, qui, comble de l'insulte, aura lieu le jour de l'Immaculée conception et de l'anniversaire de la mort de John Lennon.

Je n'invente rien, n'est-ce pas? Cette campagne vous hérisse au plus haut point, non? Si c'est le cas, expliquez-moi, chers électeurs, pourquoi vous étiez 1,986 million et parfois plus de deux millions à regarder le débat des chefs à Radio-Canada, TVA, Télé-Québec, LCN et RDI mardi soir? Expliquez-moi pourquoi vous êtes tous restés rivés à vos postes malgré la soupe de chiffres à la sauce cacophonique qui déboulait de votre téléviseur et vous invitait à aller prendre de l'air. Expliquez-moi pourquoi ce soir-là, pendant un débat qui aurait dû au mieux vous indifférer, au pire vous emmerder, vous n'êtes pas allé voir ailleurs si vous y étiez. Selon le porte-parole du Consortium des télédiffuseurs, vous avez présenté tout au long de la soirée le visage impassible d'un public stable, patient et attentif. Les sondeurs qui vous sondaient toutes les demi-heures n'en revenaient pas de ne pas déceler aucune grosse fluctuation. Vous étiez nombreux au début du débat. Vous étiez presque aussi nombreux à la fin.

 

De deux choses l'une: ou bien vous avez menti aux sondeurs, ou bien les médias, qui vous disent démobilisés, dépolitisés, remplis de cynisme, «ras-le-bolisés» et plus passionnés par le défilé du père Noël que le scrutin du 8 décembre, ont tout faux. Personnellement, je pencherais pour cette dernière hypothèse, sans compter que ce n'est pas la première fois que vous êtes aussi nombreux à la messe des chefs. En 2003, quand Bernard Landry s'émerveillait du nombre de travailleurs qui étaient rentrés au travail le matin du débat et que Jean Charest demandait des comptes sur les pertes de la Caisse de dépôt, vous étiez deux millions et des poussières à l'écoute. Il y a 18 mois, lors du débat des chefs mettant en vedette un André Boisclair encore fringant et un Mario Dumont sortant de son chapeau sa célèbre note de service sur le pont de la Concorde, vous étiez 1,733 million à suivre la partie. Et pas plus tard que le mois dernier, pendant le débat fédéral, alors que trois chefs sur quatre ont débattu dans un français proche du serbo-croate, vous étiez 1,620 million à l'écoute malgré tout.

Vous avez remis ça cette semaine alors que rien ne vous y obligeait. Vous auriez très bien pu prétexter une grippe ou une gastro. Vous auriez pu aller voir Vérité Choc à TQS ou Bouffe et malbouffe à Canal Vie. Mais non. Vous êtes restés fidèles au poste et fidèles à vos chefs. Vous avez fait la preuve saison après saison, en vous soumettant en aussi grand nombre au supplice des débats, que vous n'étiez ni cyniques ni dépolitisés. Vous avez toute mon admiration. À partir d'aujourd'hui, je vous jure que je vais faire pression sur tous mes collègues pour qu'ils cessent de prétendre que le défilé du père Noël vous passionne plus que les élections. Quant à Marie-France (Bazzo), je l'invite amicalement à reconsidérer sa décision de ne pas aller voter et je l'encourage à trottiner joyeusement au bureau de scrutin le plus proche de chez elle le 8 décembre. Chère Marie-France, si tu le ne fais pas pour la démocratie, fais-le au moins pour John Lennon et l'Immaculée conception.