Je suis partie en voyage avec le mot «excuses» qui résonnait dans mes oreilles. Le jour de mon départ, l'ex-Cyniques Marc Laurendeau, un homme généralement poli et discret, ruait dans les brancards à la radio en exigeant des excuses publiques de Jean-Pierre Ferland pour les propos qu'il avait tenus à son endroit à l'émission Tout le monde en parle. Je suis revenue cette semaine juste à temps pour que le mot «excuses» résonne à nouveau. Cette fois, c'est le pape lui-même, Guy A. Lepage, qui exigeait des excuses de Mario Dumont pour avoir porté atteinte à l'intégrité de l'équipe de recherchistes de l'émission.

Non mais, c'est quoi cette lubie d'exiger des excuses publiques à tout bout de champ? C'est quoi cette manie de se hérisser comme un porc- épic dès que quelqu'un, quelque part, oublie de faire notre éloge et se permet quelques flèches acérées ou quelques balles perdues à notre endroit? Le Québec serait-il atteint d'excusite aiguë, ce syndrome généralement répandu chez les peuples frileux pour qui la parole publique doit nécessairement être une cassette pré enregistrée ou un message publicitaire complaisant?

 

Ce n'est pas pour me vanter, mais s'il avait fallu que je demande des excuses chaque fois qu'on a dit publiquement des choses pas gentilles sur moi, et à plus forte raison sur le plateau de TLMP, je serais aujourd'hui l'heureuse propriétaire d'au moins un million d'excuses en forme de placements, de dépôts et d'obligations.

Ce n'est jamais plaisant d'entendre quelqu'un déblatérer à son sujet sur la place publique. Sous l'assaut de cette attaque qui se déroule dans notre dos, mais devant un million de témoins, l'ego se crispe pendant que l'orgueil, mortifié, se dégonfle. Mais à moins d'être affligé d'un narcissisme chronique, le mal ne dure jamais très longtemps. Éventuellement, on finit par en rire. C'est d'ailleurs ce que Guy A. Lepage aurait dû faire: rire des accusations lancées par Mario Dumont. D'autant plus que je doute qu'il y ait beaucoup de Québécois qui ont cru une seule minute que l'entrevue avec le premier ministre Charest était arrangée avec le gars des vues sinon avec celui de la publicité, comme l'affirmait Mario Dumont.

Quiconque suit cette émission - et nous sommes quand même plus d'un million à le faire - sait qu'à part le petit noyau d'amis de l'animateur, la bande à RBO et quelques chouchous patentés comme Chantal Hébert, tout le monde qui passe à l'émission a droit au même traitement déculottant et pas toujours très amical.

Si Mario Dumont s'était informé, il aurait appris qu'il n'est pas le seul à avoir détesté son expérience sur un plateau qui peut facilement se transformer en tribunal ou en piège à con.

Dépendant de la rapidité de ses réflexes, l'invité de TLMP peut se muer en héros ou en zéro. Certains plus habiles que les autres y trouvent leur compte. D'autres trébuchent, déparlent et ont l'air fou malgré eux. Combien de fois ai-je entendu des invités se dire déçus de leur passage à l'émission et jurer qu'ils n'y remettraient plus jamais les pieds.

Guy A. Lepage peut bien défendre l'intégrité de son équipe autant qu'il veut. Vouloir rétablir les faits est une chose. Exiger des excuses en est une autre qui, dans ce contexte, est franchement ridicule. Surtout venant d'un gars pour qui se moquer des autres et leur prêter de fausses intentions est une profession. Faut-il que Guy A. Lepage se prenne au sérieux pour exiger sérieusement des excuses de la part d'un pauvre politicien qu'il a tourné en bourrique.

Pour ce qui est de Mario, il a bien fait d'aller chez le concurrent plutôt qu'à Tout le monde en parle dimanche soir. Il n'a pas à s'excuser de rien, sauf de ne pas avoir compris qu'on peut faire un fou de soi partout, même sur un plateau de télé amical. Suffit d'enfiler une perruque blonde et c'est parti.