Le débat s'est déroulé à l'Université McGill dans la grande salle Redpath, un endroit magnifique avec des hauts plafonds et des vieux planchers en bois qui craquent. Au fond de la salle, un orgue immense, au mur, des tableaux représentant les chanceliers à travers le temps.

Un décor imposant, presque intimidant.

Les quatre candidats à la mairie sont arrivés avec leur attaché de presse ou leur chef de cabinet. Ils étaient tous habillés en noir, même Mélanie Joly. On se serait cru à une veillée funèbre.

Patrice Roy faisait les cent pas avant d'entrer en ondes. Les grands patrons de Radio-Canada étaient présents, Michel Cormier, Jean Pelletier.

Quelques minutes avant d'entrer en ondes, un concierge a passé la moppe devant les candidats légèrement crispés qui attendaient, stoïques, que le débat commence.

Le débat avait lieu en direct. Débat? Le mot est trop fort. Il n'y a pas eu de débat hier soir, mais quatre candidats qui répondaient à des questions du public. Ils ne pouvaient pas débattre, car la formule, trop rigide, ne le permettait pas. Les questions étaient inégales, certaines empesées et prévisibles, d'autres pertinentes et concrètes. Un jeune homme, par exemple, a expliqué qu'il quitterait probablement Montréal parce que les logements sont trop chers. «Que proposez-vous pour me retenir à Montréal?»

La réponse des candidats? Ils ont récité les grandes lignes de leur programme. En 50 secondes. C'est tout le temps qu'ils avaient. Un après l'autre, à la queue leu leu.

Les meilleures questions, c'est l'animateur Patrice Roy qui les a posées. Mais il n'y avait pas de sous-questions. Les candidats pouvaient répondre à peu près n'importe quoi. Ils avaient le crachoir pendant 50 secondes. Ils en ont donc profité pour réciter leur programme. Parfois avec fougue et passion, c'est vrai, mais le tout était figé et ennuyant.

Pour ceux qui connaissaient le programme des partis, le débat ne leur a rien appris. Ou presque.

Mais la mode est au vrai monde avec des vraies questions. Ben coudonc.

Le débat a mal commencé. À la première question: «Comment allez-vous relancer l'économie et ramener la prospérité à Montréal», tous les candidats ont répondu à côté de la plaque. Marcel Côté a dit qu'il éliminerait des emplois à la Ville, Denis Coderre a parlé du poste d'inspecteur général qu'il veut créer, Mélanie Joly a répondu qu'elle voulait simplifier la bureaucratie et Richard Bergeron a précisé qu'il voulait mettre fin à l'exode des Montréalais. La relance de l'économie? Je suis restée sur ma faim.

Je me suis dit que ça commençait mal.

À la fin du bloc d'une heure, Patrice Roy a dit: «On ne voulait pas de "colletaillage" avec les quatre candidats.»

Il n'y en a pas eu.

Dommage.

Mélanie Joly et Richard Bergeron rongeaient leur frein et on sentait leur envie de débattre. Mélanie Joly a d'ailleurs coupé quelques fois la parole à ses adversaires et elle leur a distribué quelques mornifles. Elle a du front tout le tour de la tête et elle ne se laisse pas intimider. Même si elle répond avec un aplomb étonnant, elle dit parfois des choses qui ne tiennent pas la route.

Les sans-abri? «Je connais bien l'itinérance parce que j'ai vécu au centre-ville et je les ai côtoyés.»

A-t-elle parlé aux sans-abri? Qu'entend-elle par côtoyé? Ce n'est pas en «côtoyant» des sans-abri qu'on devient un expert de l'itinérance. Trop d'assurance peut nuire.

Marcel Côté a fait une déclaration-choc qui a pris tous les journalistes par surprise. S'il devient maire, il s'engage à couper le tiers des "chefs" à la Ville de Montréal. Au point de presse qui a suivi le débat, il a précisé qu'il parlait des 300 cadres supérieurs. Il éliminerait 100 postes. En deux ans. C'est énorme.

Richard Bergeron a répondu avec fougue. Il n'a pas pu s'empêcher de se mettre de l'avant en précisant qu'il était un urbaniste, un expert du tramway et qu'il avait couru le demi-marathon en 1 heure 50. Un exploit pour un homme de 58 ans, c'est vrai, mais était-ce nécessaire de le préciser? Péché d'orgueil.

Denis Coderre, lui, restait bien tranquille dans son coin. Il ne prenait aucun risque, il ne s'enflammait pas et n'attaquait pas ses adversaires, ou si peu. Il a mené le débat, comme il mène sa campagne, sans faire de vagues.