Le point de presse a été éprouvant. Le vaste hall de l'hôtel de ville était plein à craquer. Des élus, des journalistes, des fonctionnaires se marchaient sur les pieds.

Le maire, Michael Applebaum, a prononcé un discours éclair, debout sur un podium installé au pied des escaliers. Impossible de voir quoi que ce soit, à moins de donner des coups de coude vigoureux à des costauds armés de leur caméra. Je n'ai aperçu que le bout de la tête de M. Applebaum et je n'ai attrapé que quelques bribes de son discours déformé par l'écho.

À la fin de son allocution, où il a juré qu'il était innocent, M. Applebaum a tourné les talons et grimpé les escaliers. Triste fin. Et pauvre Montréal, qui se retrouve, encore une fois, sans maire.

Les 62 élus du conseil municipal doivent élire un nouveau maire. La bataille s'annonce rude, chaque parti a un candidat dans sa manche.

Richard Bergeron de Projet Montréal, Louise Harel de Vision et Anie Samson, qui représente Denis Coderre, tiennent à leur candidat comme à la prunelle de leurs yeux. Non seulement ils y tiennent, mais ils rejettent viscéralement le choix des autres. C'est le degré zéro du compromis.

Celui qui va obtenir le plus de votes deviendra le futur maire de Montréal, une ville poquée, maganée, ridiculisée depuis que la nouvelle de la démission de Michael Applebaum a fait le tour du monde. Un gros bleu sur l'ego. Richard Bergeron est le plus intransigeant. Hier, son ton était dur, coupant. Hors de Projet Montréal, point de salut. Son parti a le monopole de la pureté. «Chez nous, a-t-il dit avec morgue, l'honnêteté est sans faille.»

Il faut éviter le retour d'Union Montréal, le parti de Gérald Tremblay, a-t-il ajouté. «Union Montréal n'est pas encore mort, il faut le tuer une bonne fois pour toutes!» Tuer, le mot est fort. J'ai sursauté quand j'ai entendu Bergeron cracher avec une telle hargne sur Union Montréal.

Bergeron appuie la candidature de François Croteau, maire de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, un politicien intègre qui a adopté une politique verte audacieuse, mais qui est marqué au fer rouge de la partisanerie à cause des gros sabots de son chef.

Louise Harel pousse la candidature du président du comité exécutif, Laurent Blanchard, un ancien de Vision Montréal. Il siège comme indépendant depuis qu'il a été nommé président du comité exécutif. Blanchard, homme discret, a étonné tout le monde en se montrant ferme et efficace.

Sauf que Blanchard porterait les deux casquettes, celles de maire et de président du comité exécutif. L'administration Blanchard-Blanchard, quoi. Une concentration malsaine de pouvoir entre les mains d'un seul homme. Le jupon partisan de Mme Harel dépasse.

Anie Samson, elle, voudrait qu'Helen Fotopulos ou Harout Chitilian, président du conseil municipal, devienne maire. Deux ex-membres d'Union Montréal.

Helen Fotopulos. Sérieux? Elle a dirigé l'arrondissement du Plateau pendant sept ans. Lorsqu'elle est partie, elle l'a laissé dans un état pitoyable. Le Plateau accusait un déficit d'environ 4 millions. Toute une gestionnaire.

Mme Fotopulos a aussi accepté des billets de la firme d'ingénieurs CIMA" pour assister à une partie de hockey au Centre Bell. CIMA" avait pourtant obtenu des contrats de plusieurs millions de la Ville, dont celui de la surveillance des travaux sur le boulevard Saint-Laurent, qui traverse l'arrondissement de Mme Fotopulos. C'est ça, le choix de Denis Coderre?

Les candidatures des ex-membres d'Union Montréal devraient être rejetées. Leur crédibilité est nulle. Ils ont été au pouvoir pendant des années et ils n'ont jamais rien vu, rien dénoncé. Montréal n'a pas besoin d'aveugle, une évidence que Denis Coderre ne comprend pas.

Une question demeure: est-ce que la ville fonctionne malgré tout?

Permettez-moi de vous parler de ma ruelle, située dans le Plateau. Des déchets y traînent depuis la mi-avril. J'ai appelé l'arrondissement huit fois. Ma requête a même porté deux numéros différents. Elle a d'abord été classée sous l'étiquette «nettoyage du domaine public», puis elle a migré dans la section «dépôt illégal». Rien à faire.

De guerre lasse, mon chum s'est rendu à l'arrondissement. On lui a promis un ménage en règle.

Chaque fois que j'appelle, on me dit que les déchets ont été ramassés. Pourtant, ils sont toujours là. Ils agonisent dans ma ruelle. Dois-je rappeler pour la neuvième fois pour me faire dire que tout a été ramassé, alors que rien n'aura été fait?

Ce n'est qu'un exemple, un micro-exemple, mais je ne peux m'empêcher de me demander: coudonc, qu'est-ce qui se passe à Montréal?