Le parti de Gérald Tremblay, Union Montréal, vient de perdre sa majorité au conseil municipal. C'est la fin d'une époque, la fin de la domination d'un parti qui a régné sur Montréal pendant 11 ans.

Hier, six conseillers ont quitté le navire. Union Montréal ne détient plus que 29 des 64 sièges au conseil. Je ne vais pas verser de larmes sur le sort d'Union Montréal. Au contraire. Si ce qui se raconte à la commission Charbonneau depuis un mois est vrai, la cascade de démissions est saine et prouve que les gens ne sont pas des imbéciles.

Les témoignages entendus à la Commission sont stupéfiants. Union Montréal aurait accepté de l'argent sale, des ristournes versées par des entrepreneurs, sans oublier la mafia qui aurait rôdé autour du parti. Ce ne sont que des allégations, il n'y a aucune accusation, mais les témoignages sont troublants, tellement troublants que Gérald Tremblay a cédé sous la pression et remis sa démission.

C'est ce parti éclaboussé par les scandales qui a perdu sa majorité. Une bonne nouvelle pour la démocratie. Je me retiens pour ne pas dire bon débarras. On est loin de Laval, où le maire Vaillancourt a régné en roi et maître pendant 10 ans, sans l'ombre d'une opposition. Le gouvernement du Québec a d'ailleurs décidé, avec raison, de nommer un vérificateur pour veiller au grain. À Montréal, la situation est complètement différente. L'opposition est vigoureuse et combative.

Richard Deschamps, qui a succédé à Gérald Tremblay, peut se compter chanceux. Il n'a perdu que six conseillers. Sentant le tapis lui glisser sous les pieds, il a fait un virage à 180 degrés et piqué les idées de Michael Applebaum, son rival à la mairie de Montréal. Mardi, Deschamps ne voulait rien savoir d'un comité exécutif de coalition et il tenait mordicus à sa hausse d'impôt foncier de 3,3%. Hier, il jetait ces idées à la poubelle et imitait Applebaum en disant oui à un comité exécutif de coalition et oui à une baisse d'impôt foncier. Une tentative désespérée pour stopper l'hémorragie.

Michael Applebaum, qui a été le bras droit de Gérald Tremblay, fait partie des six démissionnaires. Comme Deschamps, il a les yeux fixés sur la mairie. Vendredi, les 64 conseillers vont élire le prochain maire.

Applebaum mène une campagne féroce. Il a des idées, il donne des points de presse et il multiple les rencontres avec les deux partis de l'opposition, Vision Montréal de Louise Harel et Projet Montréal de Richard Bergeron. Il a aussi discuté avec Richard Deschamps hier matin. La rencontre a été brève, à peine 10 minutes. Les deux hommes ne sont pas sur la même longueur d'onde, même si Deschamps ne s'est pas gêné pour voler les idées d'Applebaum.

Vision et Projet Montréal négocient serré. Ils sont prêts à donner leur appui à Applebaum ou à Deschamps et à faire partie d'un comité exécutif de coalition, mais à certaines conditions. Des conditions raisonnables. Montréal a rarement connu une telle effervescence. Après les années de plomb de Gérald Tremblay, ce coup de fouet démocratique est drôlement intéressant.

Même si Union Montréal a perdu sa majorité, la Ville ne plongera pas dans l'instabilité, car les partis sont condamnés à s'entendre. Personne ne détient la majorité. Qui sera le prochain maire de Montréal? Richard Deschamps? Michael Applebaum? Un candidat de Vision ou Projet Montréal? Votre boule de cristal vaut la mienne. Une chose est certaine, les partis doivent pactiser s'ils veulent ramasser les 33 voix nécessaires à l'élection du nouveau maire. Une autre chose est tout aussi certaine: le prochain comité exécutif sera formé par une coalition, la même qui va élire le maire. Une coalition fragile, certes, mais une coalition qui vaudra 100 fois mieux que la domination d'Union Montréal, dont la réputation est gravement entachée.

Ça aussi, c'est une bonne nouvelle.

Parlons maintenant du français de Michael Applebaum. Il fait des fautes, c'est vrai, il parle un «broken French» de rue, c'est vrai aussi, mais il est né à Montréal et il a été élevé à Montréal. C'est un anglophone, eh oui, et un Montréalais pure laine qui respecte le français. Tous ses points de presse commencent en français, jamais en anglais.

Et son français est 100 fois meilleur que l'anglais de Louise Harel qui, je tiens à le souligner, s'est grandement amélioré. Imaginez une coalition entre Louise Harel, une souverainiste que les anglophones haïssent pour mourir, et Michael Applebaum. Ce qui est fort plausible. C'est la réalité de Montréal... et de la politique municipale, où la fidélité au parti est toujours fragile. D'abord le pouvoir, ensuite le parti.