Pendant les derniers jours de la campagne électorale, Pauline Marois a multiplié les bains de foule à Laval, Terrebonne, Saint-Jérôme et Québec. Ses gardes du corps, nerveux, la suivaient à la trace. Ils ne la lâchaient pas d'une semelle.

La chef de mission chargée d'organiser la caravane péquiste sur le terrain, Mélanie Malenfant, ouvrait le chemin pendant les bains de foule. Elle disait: «Par ici.» Mais souvent Mme Marois ne l'écoutait pas. Elle bifurquait, allait vers ses fans qui criaient son nom, serrait des mains et se laissait prendre en photo.

Les gens voulaient non seulement la voir, mais aussi la toucher. Ils l'appelaient la future première ministre du Québec. Ils étaient très près d'elle. Ils l'entouraient. Certains criaient en la voyant passer: «On est avec vous!», «Lâchez pas!» Mme Marois souriait, saluait de la main. Elle surfait sur cette vague de sympathie avec aplomb. Un grand sourire traversait son visage trop poudré.

Ses gardes du corps la suivaient à la trace. Ils étaient faciles à repérer: grands, costauds, lunettes fumées, complet foncé, oreillette et micro dissimulé dans leur manche. Il faisait chaud, le soleil tapait dur en cette fin d'été. Ils suaient à grosses gouttes en essayant de suivre le parcours parfois désordonné de Mme Marois.

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Lundi, dernier jour de la campagne électorale, dans un centre commercial de Québec. L'autocar de Jean Charest est garé à une centaine de mètres de celui de Mme Marois. L'événement «J'ai ma pelle», qui marque le début de la construction du nouvel amphithéâtre, attire des centaines de partisans des Nordiques, une faune hostile à Mme Marois. Québec n'est pas un territoire facile à conquérir pour les péquistes. C'est le terrain de prédilection de la Coalition avenir Québec (CAQ), comme ce fut celui de l'Action démocratique du Québec (ADQ) en 2007.

La foule est dense. Mme Marois est entourée d'une haie serrée de caméramans, de photographes, de journalistes, de curieux et de badauds. On ne voit que les micros qui pointent au-dessus du bloc compact qui se déplace en écrasant des orteils.

La marche prend vite des allures de cohue. Les gardes du corps, inquiets et fébriles, jettent des regards circulaires. Ils parlent dans leur micro dissimulé dans leur manche. La foule s'agite, Pauline Marois se fait huer. Sa garde rapprochée la ramène rapidement à son autocar. L'opération charme est un échec. La marche au milieu de cette foule dense, hostile et indisciplinée aurait pu déraper.

Les bains de foule sont un cauchemar pour les policiers qui s'occupent de la sécurité des politiciens. J'ai dit à Mme Marois que ses gardes du corps étaient très nerveux et qu'elle ne suivait pas toujours les instructions de son équipe. Elle a souri et m'a répondu doucement, mais fermement: «Je vais continuer à faire à ma tête.»

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Mme Marois a-t-elle reçu des menaces? Non, a-t-elle assuré hier lors d'un point de presse très couru où journalistes, photographes et caméramans se marchaient sur les pieds dans une salle trop petite de l'hôtel Sheraton. En avant, près d'elle, deux gardes du corps; à l'extérieur, sept autres, sans oublier des policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) postés devant l'entrée de l'hôtel.

C'est la Sûreté du Québec (SQ) qui s'est occupée de la sécurité des politiciens. «Mme Marois et MM. Charest et Legault ont eu droit à la même protection pendant la campagne électorale», m'a expliqué hier le capitaine Jean Finet. De quatre à six gardes du corps, sans oublier les advance, qui patrouillaient dans l'endroit public où devait se tenir l'événement avant l'arrivée de l'autocar, et les policiers habillés en civil qui se promenaient discrètement dans un périmètre plus large que celui des gardes du corps, qui, eux, se tenaient très près du politicien.

Mme Marois a-t-elle reçu des menaces? ai-je demandé au capitaine Finet.

«Les politiciens reçoivent des menaces tous les jours», a-t-il répondu.

L'attachée de presse de Mme Marois, Marie Barrette, m'a parlé de propos menaçants sur une page Facebook. Le cas a été transmis à la SQ. Rien de plus.

J'ai posé des questions à un des gardes du corps de Mme Marois. Pas très bavard.

Pourquoi autant de sécurité autour de Mme Marois? Il n'y a pas de tradition de violence au Québec, contrairement aux États-Unis.

«Vous oubliez Laporte», m'a-t-il répondu.

J'ai rétorqué que c'était en 1970, pendant la crise d'Octobre.

«Et Lortie», a-t-il ajouté.

Le caporal Denis Lortie a abattu trois personnes à l'Assemblée nationale en 1984. Un geste isolé. Comme mardi soir au Métropolis.

«Le Québec est une société non violente, a dit Mme Marois hier. Un acte de folie ne peut effacer cette réalité.»

Elle a raison. Il ne faut pas l'oublier.