Centralisation, un mot-clé pour comprendre la réforme des finances des arrondissements annoncée mercredi par le président du comité exécutif de la Ville, Michael Applebaum.

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, était dans tous ses états: «La Ville met son nez dans les décisions des arrondissements!», a-t-il dit en tremblant d'indignation.

C'est vrai, il a raison, mais c'est une bonne chose.

Tout le monde le sait, on l'a dit et redit, la Ville est trop éclatée: 19 arrondissements, 19 façons de déneiger, de ramasser les ordures, de garnir les bibliothèques. Des façons parfois aberrantes, parfois intelligentes. On n'a qu'à penser au Plateau-Mont-Royal qui a décidé de ne pas déneiger pour économiser de l'argent, abandonnant des monticules de neige durcie qui ont agonisé pendant des jours et des jours dans les rues.

Avec sa réforme, Michael Applebaum met un peu d'ordre dans cette ville à 20 têtes, mais il marche sur les platebandes des arrondissements et soulève, du même coup, la colère de ses adversaires, les élus de Projet Montréal qui aiment bien mener leur barque comme bon leur semble.

La Ville souffre de dysfonctionnement. Depuis trois ans, les budgets des arrondissements sont gelés. Certains coupent le gazon moins souvent, d'autres congédient des employés, ferment des piscines ou des camps de jour.

C'est la Ville centre qui fixe l'enveloppe budgétaire des arrondissements qui n'ont pas un mot à dire. Les maires sont devenus des mendiants qui supplient la Ville de leur donner davantage d'argent pour joindre les deux bouts.

En janvier, Michael Applebaum et Gérald Tremblay ont promis de «crever l'abcès», de «faire table rase, de tout reprendre à zéro»... et d'accoucher d'une réforme six mois plus tard, en juin. Beaucoup se sont moqués de leur ambition et de leur empressement. Comment pondre une réforme ambitieuse aussi rapidement dans une ville réputée pour son rythme géologique?

Mercredi, Michael Applebaum a confondu les sceptiques. Sa réforme ne change pas le monde, elle ne réinvente pas le bouton à quatre trous, mais elle corrige plusieurs erreurs historiques créées par le douloureux épisode fusion-défusions, ce «mariage forcé» suivi d'un «divorce raté».

La réforme n'est pas parfaite, loin de là. Applebaum en a profité pour en passer une petite vite aux arrondissements en leur arrachant leur pouvoir sur les rues collectrices, comme Christophe-Colomb. Un coup de Jarnac à Projet Montréal, une gifle à son plus flamboyant représentant, Luc Ferrandez, maire du Plateau-Mont-Royal, qui a changé le sens de la rue Christophe-Colomb pour apaiser la circulation. Une mesure à laquelle il tient mordicus.

Les deux hommes se détestent. Michael Applebaum s'est payé une petite vengeance politique sous le couvert d'une réforme.

Décortiquons la réforme. La Ville change la façon de donner de l'argent aux arrondissements pour diminuer leur dépendance. D'ici 2014, elle va leur céder 10% de son assiette fiscale. L'avantage: si la valeur des maisons augmente, les arrondissements engrangeront plus d'argent. Ils profiteront donc de la vigueur de l'économie, ce qui n'est pas le cas quand la Ville leur verse, chaque année, une «obole».

Donc, une partie du budget des arrondissements (le 10% de l'assiette fiscale) ne dépendra plus du bon vouloir de la Ville. Pour la balance, la Ville continuera de fixer le montant des enveloppes qui seront dorénavant indexées. Enfin indexées. Fini l'asphyxie et l'arbitraire de la Ville qui avait droit de vie et de mort sur les budgets des arrondissements.

Autres gains pour les arrondissements: un service égal pour tous. Un service plancher pour le déneigement, les bibliothèques, les ordures...

La Ville va établir des normes et des paramètres. Par exemple, certains arrondissements répandent des abrasifs sur leurs trottoirs 10 fois par hiver, d'autres, comme Outremont, entre 35 et 40 fois. La Ville pourrait décider qu'il y aura désormais 15 épandages par hiver, une norme que tous les arrondissements devront respecter. Elle calculera le budget de l'épandage en fonction du nombre de kilomètres de trottoirs. Si Outremont veut maintenir sa quarantaine d'épandages, elle devra payer en fouillant dans ses fonds de tiroir ou en imposant une taxe locale.

La Ville va aussi injecter 9,7 millions pour «mettre à niveau» les arrondissements les plus pauvres, comme Montréal-Nord et Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.

Toutes ces mesures pour que la Ville soit moins éclatée et que l'écart entre les riches et les pauvres s'amoindrisse. Un bon point. Un début.

michele.ouimet@lapresse.ca