Line Beauchamp a pris la bonne décision: démissionner, car avec elle, aucune entente n'était possible. Le dossier était bloqué.

Les négociations piétinaient. Si on peut appeler «négociations» les coups de fil informels échangés depuis une semaine entre les fédérations étudiantes et le cabinet de la ministre. Des négociations au pas de tortue. Pourtant, il y a péril en la demeure. La grève entre dans sa 14e semaine. Quatorze! On croit rêver. Personne n'avait prévu un conflit aussi long, personne n'avait prédit la stupéfiante détermination des étudiants et l'inflexibilité du gouvernement qui tient mordicus à sa hausse de 82% étalée sur sept ans.

La ministre Beauchamp n'aimait pas la CLASSE ni son très médiatisé porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois. Trop à gauche, trop radical. Difficile de négocier dans ces conditions.

Hier, Line Beauchamp a précisé qu'elle avait fait une ultime proposition aux étudiants: confier à une commission parlementaire le soin de trouver des économies dans la gestion des universités, économies qui auraient servi à diminuer la «contribution étudiante». Notez le vocabulaire: contribution étudiante et non droits de scolarité. Ce sont les frais institutionnels obligatoires (FIO) qui auraient diminué au prorata des économies trouvées, et non les droits de scolarité qui, eux, auraient grimpé de 82%.

Hier, Mme Beauchamp a dit, avec un filet d'amertume dans la voix, que les étudiants avaient rejeté son offre. Elle a affirmé qu'ils ne faisaient pas confiance «aux élus». Elle aurait dû préciser: «aux élus libéraux», car la commission parlementaire aurait été contrôlée par les libéraux. Et on connaît leur position rigide sur les droits de scolarité.

Une telle proposition était vouée à l'échec. J'espère que Michelle Courchesne, la nouvelle ministre de l'Éducation nommée en catastrophe pour remplacer Mme Beauchamp, laissera tomber cette avenue qui conduira inévitablement à un nième cul-de-sac.

Mme Beauchamp part. Un ultime sacrifice, a-t-elle dit, car elle ne fait plus partie de la solution.

Un constat lucide qui est tout à son honneur.

Michelle Courchesne va donc la remplacer. Mandat casse-gueule. Elle a déjà été à la tête de l'Éducation, un ministère extrêmement complexe. On ne s'improvise pas ministre de l'Éducation, surtout pas au milieu d'une crise. Jean Charest a fait un bon choix.

Mme Courchesne avait mis de l'ordre dans les frais institutionnels obligatoires (FIO) qui gonflaient d'année en année, sans aucun contrôle gouvernemental. Les universités, prises à la gorge avec des budgets et des droits de scolarité gelés, s'étaient jetées sur les FIO comme la misère sur le pauvre monde. Les FIO avaient explosé. Mme Courchesne avait encadré leur progression, ce qu'aucun ministre, péquistes inclus, n'avait osé faire.

Elle a démontré de la sensibilité pour le portefeuille étudiant. Un bon point.

Pendant les négociations marathon du 5 mai, Michelle Courchesne a fait preuve de leadership. Elle présidait les discussions qui ont duré 23 heures. Autour de la table, des recteurs, des ministres et des leaders syndicaux et étudiants.

Aux petites heures du matin, Mme Courchesne avait calmé le jeu. Le ton avait monté entre Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, et la représentante des recteurs, qui lui avait dit qu'elle ne connaissait rien à la gestion des universités. Mme Courchesne avait pris la défense de la FEUQ en disant que «tous les sujets étaient sur la table».

«Elle était très ouverte pour trouver des solutions», m'a dit Martine Desjardins, hier.

Même Réjean Parent, président de la CSQ, qu'on ne peut soupçonner d'accointance avec les libéraux, a souligné le travail de Mme Courchesne pendant les longues négociations: «C'est une fonceuse, une femme superbe qui a une grande expérience, mais c'est aussi une actrice qui peut jouer sur les émotions, parfois hypocritement.»

Mais Mme Courchesne présidait la table, elle n'était pas dans les souliers de Line Beauchamp. Son rôle consistait à concilier les parties et trouver une «sortie de crise».

Aura-t-elle davantage de marge de manoeuvre que Mme Beauchamp? Pourra-t-elle jongler avec l'idée d'un moratoire et parler des droits de scolarité, un mot tabou sous le règne de Mme Beauchamp?

Si Jean Charest l'emprisonne dans la hausse de 82% et maintient la ligne dure, elle ne pourra pas faire grand-chose pour dénouer la crise. On pourra alors se demander si la démission de Line Beauchamp aura été utile.