On tourne en rond. C'est pathétique. Le gouvernement Charest a créé un débat dans le débat. Au lieu de discuter du coeur du problème, la hausse des droits de scolarité, on ne parle que de violence.

La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, n'en démord pas: les fédérations doivent dénoncer la violence, sinon elle refuse de les rencontrer. La FECQ (cégeps) a obtempéré, la FEUQ (universités) aussi, mais la CLASSE résiste au nom d'une aberrante démocratie directe. Ce n'est que dimanche, au cours d'un congrès, que les délégués se prononceront.

La FEUQ est catégorique: pas question de parler à la ministre si la CLASSE est exclue.

Tout est bloqué.

L'ironie, c'est que le gouvernement, qui tient mordicus à ce que la CLASSE dénonce la violence, encourage cette même violence en refusant de discuter. La preuve? Ce qui se passe actuellement sur les campus. Pas joli, joli.

Mais oui, la violence est terrible, toute société démocratique doit la dénoncer. J'en suis. Mais exiger un acte de foi antiviolence de la part des étudiants ne fait qu'enliser - pour ne pas dire dévier - le débat. On est passé d'un vrai débat à un faux débat. Comme si la maison était en flammes et qu'on exigeait des sinistrés qu'ils dénoncent le feu avant d'éteindre le brasier.

On joue au jeu de celui qui ne veut pas perdre la face. Ce bras de fer absurde entre la CLASSE et le gouvernement fait perdre un temps précieux. Pourquoi la CLASSE ne dit-elle pas tout simplement: O.K., on dénonce la violence? Et pourquoi le gouvernement fait-il dérailler le débat en l'aiguillant sur la dénonciation de la violence à tout prix?

Ça fait plus d'une semaine que le débat sur la violence paralyse le dossier. Pendant ce temps, la grève dérape: le climat se détériore sur les campus, les universités embauchent des gardes de sécurité privés équipés de matraques, les arrestations se multiplient, en particulier à l'Université du Québec en Outaouais où elles se comptent par dizaines, et les policiers ont la main de plus en plus leste avec le gaz poivre.

Plus inquiétant, les casseurs semblent avoir repris du service. Hier, au centre-ville, la manifestation a vite dégénéré. La police n'a pas perdu de temps avant de dégainer matraque et gaz poivre. Plusieurs manifestants portaient un masque.

Québec et la CLASSE jouent à «Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier de nous deux qui rira aura une tapette».

Déprimant.

Je vous ai déjà parlé du mépris de certains journalistes et politiciens à l'égard des étudiants. On les regarde de haut, on parle de leur grève avec condescendance. Ce nez levé sur leurs revendications s'est cristallisé cette semaine dans un débat à LCN.

Denis Lévesque a reçu un professeur et commentateur, Christian Dufour, et le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois. Un insupportable débat de 16 minutes. Christian Dufour était dégoulinant de mépris. «Vous tenez un discours d'abuseur, de batteur de femmes, a-t-il craché au visage de Nadeau-Dubois. [...] Vous vous boostez comme leader fringant. Les gens en ont ras le bol de votre charriage!»

Gabriel Nadeau-Dubois est resté calme. Je ne sais pas comment il a fait.

Cette semaine, l'Université de Montréal a tenté un coup de force: les cours vont se donner, même si le vote en faveur de la grève est majoritaire. Et même s'il n'y a qu'un seul étudiant dans la classe.

Les professeurs, inquiets, se sont rebellés - le président du syndicat a reçu 80 courriels à l'heure - et l'Université a embauché des gardes de sécurité privés. Mercredi, dans un sursaut de gros bon sens, elle a reculé. Elle a compris qu'elle ne pouvait pas forcer la main des étudiants et des professeurs et qu'un tel bras de fer mettait le feu aux poudres et nuisait à son image.

Pourquoi le gouvernement est-il incapable de faire preuve du même gros bon sens? Parce qu'il est trop loin du plancher des vaches? Qu'il est sourd au discours étudiant? Qu'il n'a pas compris leur détermination? Qu'il est incapable de comprendre le climat pourri qui règne sur certains campus?

Je suis tentée de reprendre l'idée de la rédactrice en chef du Devoir, Josée Boileau, qui suggère au gouvernement de louer un étudiant pendant une semaine.

Pour joindre notre chroniqueuse michele.ouimet@lapresse.ca