Le maire Gérald Tremblay ne peut plus se mettre la tête dans le sable: les électeurs ont perdu confiance en lui. Le pire, c'est qu'ils ne le croient plus quand il jure qu'il n'était au courant de rien.

Trop de scandales et trop d'histoires d'espionnage ont fini par miner sa crédibilité. Aujourd'hui, il se retrouve au fond du tonneau. Les chiffres du sondage Angus Reid - La Presse sont dévastateurs: 90% des Montréalais approuvent la décision de Québec de déclencher une vaste enquête sur Montréal, la moitié souhaite que la Ville soit mise sous tutelle et les deux tiers ne croient pas Gérald Tremblay lorsqu'il dit qu'il ignorait que les courriels du vérificateur et d'un élu étaient espionnés.

On peut parler de crise. Une crise qui fait des dégâts. Les trois quarts des Montréalais ont perdu confiance dans l'administration municipale. S'il y avait des élections, seulement 16% des gens voteraient pour Gérald Tremblay. Seize pour cent, un score misérable. En octobre 2009, à la veille des élections, le maire avait recueilli 30% des intentions de vote. Seulement 30%, avaient souligné les experts. Imaginez 16%. C'est la dèche, la vraie de vraie.

Le diable est aux vaches. Le maire a tout un défi à relever pour reconquérir les Montréalais.

Gérald Tremblay a un autre problème: les gens se sont passionnés pour les histoires d'espionnage. Le hockey a été suivi par 56% des Montréalais; l'espionnage des courriels, par 53%. Ouch.

Quand ça va mal, ça va mal.

Gérald Tremblay devrait-il partir? Les Montréalais ont voté pour lui en 2009, même si son administration avait été éclaboussée par des scandales graves: les compteurs d'eau, le plus gros contrat de l'histoire de la Ville accordé à un consortium dans des circonstances troubles, des transactions douteuses sur des terrains, sans oublier les révélations fracassantes de Benoit Labonté, ex-bras droit de Gérald Tremblay, quelques jours avant le scrutin. Labonté avait parlé d'enveloppes brunes, de financement illégal et de système mafieux.

Pourtant, Gérald Tremblay a été réélu avec 37% des voix. En 2005, il en avait récolté 53%, une dégringolade qui en dit long sur la grogne.

Les Montréalais ont voté pour Tremblay en toute connaissance de cause. Pendant un an, son administration a été traînée dans la boue des scandales. Les électeurs ont décidé de fermer les yeux et de passer l'éponge. Aujourd'hui, la majorité d'entre eux (selon le sondage) exigent sa démission. Trop facile.

Ils peuvent la souhaiter, bien sûr, mais l'exiger?

Si le maire veut démissionner, pas de problème. Mais s'il veut rester, il a le droit. Il a raflé la majorité des sièges au conseil municipal en 2009. Il est majoritaire, personne ne peut remettre en question sa légitimité.

Ceux qui exigent sa démission n'ont qu'une chose à faire: prendre leur mal en patience et voter contre lui en 2013.

Et une tutelle imposée par Québec? Plusieurs en rêvent (la moitié des Montréalais, selon Angus Reid). Sauf que rien ne la justifie. Comme me l'a expliqué le président de la Commission municipale du Québec, Pierre Delisle, les conditions objectives pour imposer une tutelle ne sont pas réunies. Le conseil municipal doit être paralysé - ce qui est loin d'être le cas à Montréal, Gérald Tremblay est majoritaire -, et les services à la population menacés. La Ville fonctionne: les ordures sont ramassées, les rues nettoyées, les cols bleus travaillent, il n'y a pas de grève, etc.

En juillet 1997, Pierre Bourque avait perdu sa majorité. Le conseil municipal était déchiré par des guerres intestines, pourtant, jamais Québec n'a décrété de tutelle. Montréal s'est débrouillé seul avec ses problèmes.

La tutelle n'est pas magique. «C'est la Commission municipale qui en hérite, explique son président, M. Delisle. Elle doit approuver chaque décision des élus. Elle peut aussi refuser ou retarder l'application d'une résolution adoptée par le conseil municipal.» Bref, pas moyen de faire un pas sans avoir Québec sur le dos.

Si Gérald Tremblay veut démissionner, libre à lui. Je ne pense pas que beaucoup de Montréalais vont pleurer sur son sort, du moins selon le sondage.

Mais s'il reste, comme il l'a répété, il aura un grave problème de leadership et de crédibilité. Jusqu'en novembre 2013. C'est long. Pauvres Montréalais.

michele.ouimet@lapresse.ca