Le maire était fâché, hier. Debout devant une vingtaine de journalistes, il a accusé La Presse de s'acharner contre lui. «J'en ai assez de voir La Presse se servir du sensationnalisme pour vendre son journal et tenter de me discréditer!»

Il fulminait, accroché à son micro, entouré d'un haut fonctionnaire, d'un élu et de quelques conseillers. Lui? Blanc comme neige. La Presse? Prête à tout pour vendre de la copie. La vérité? Toute simple: Gérald Tremblay est intervenu dans la vente de l'ancienne gare Viger. Dans un courriel confidentiel obtenu par mon collègue André Noël, il a demandé que la valeur de l'évaluation municipale, 14,7 millions, soit «enlevée» du dossier remis aux élus. La gare Viger a été vendue 9 millions.

Le maire affirme qu'il a obtenu un bon prix, qu'il a agi en toute transparence et qu'il n'a «jamais été impliqué de quelque manière que ce soit». Le courriel dit le contraire. La Presse aussi. Les écrits ne mentent pas.

Mais revenons au point de presse. Les journalistes ont posé peu de questions sur la complexe transaction de la gare Viger. M. Tremblay les a hypnotisés avec sa guerre contre La Presse. Tirer sur le messager, toujours efficace quand on veut noyer une histoire embarrassante.

Après le point de presse, pendant que les journalistes rangeaient leurs calepins et leurs caméras, l'équipe du maire jubilait. «C'était bon! C'était vraiment bon!» répétait un attaché de presse, Bernard Larin.

Heureux, Gérald Tremblay souriait. Oui, il avait donné une bonne raclée à La Presse, et c'est ce que les journalistes avaient retenu.

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Parlons des faits, maintenant. En 2006, la Ville a vendu la gare Viger à Développement Télémédia et à ses partenaires. Philip O'Brien, un partisan de Gérald Tremblay qui a contribué à la caisse de son parti et qui siège à sa fondation, est un des principaux représentants de Développement Télémédia.

Même si l'évaluation municipale était de 14,7 millions, le bâtiment a été vendu 9 millions. L'évaluation municipale ne signifie rien, absolument rien, a protesté Gérald Tremblay. Fort bien. Pourquoi, alors, le dossier a-t-il été retiré du comité exécutif pour que le montant de l'évaluation soit biffé?

Et pourquoi une intervention aussi pointue du maire, lui qui n'a jamais été un fan des détails? Selon un ancien haut fonctionnaire qui connaît la machine municipale sur le bout des doigts, cette ingérence dans une transaction immobilière est «bizarre». «C'est très rare qu'un maire intervienne de cette manière, surtout par écrit, a-t-il dit. Et, en plus, dans un dossier qui est retiré, puis modifié avant d'être envoyé aux élus.»

Le maire a déposé des documents pour défendre son point. Une évaluation marchande réalisée par une firme en 2000. Valeur: entre 2,3 et 5,3 millions. Et une offre de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) qui voulait acheter la gare Viger. Prix: 6 millions. Vous voyez, a dit le maire, la Ville a fait une bonne affaire en obtenant 9 millions.

Mais ce qu'il ne dit pas, c'est que l'évaluation et l'offre de la CSDM datent de 2000, soit cinq ans avant que le gouvernement annonce la construction du CHUM au centre-ville, de quoi faire bondir la valeur de l'ancienne gare.

Autre élément à préciser: l'évaluation et l'offre de la CSDM ne touchaient qu'un bâtiment, le 700, rue Saint-Antoine, alors que Développement Télémédia a acheté, en plus du 700, un autre bâtiment et un grand terrain.

Dernier point: la Ville a donné la permission aux promoteurs de construire 1400 places de stationnement. Pensez-y, 1400 places à côté du futur CHUM. Une mine d'or. La Ville a conclu une bonne affaire en vendant la gare Viger 9 millions? J'en doute.

Les faits ne mentent pas.

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Ce n'est pas la première fois que le maire accuse La Presse de s'acharner contre lui. Quand une histoire le met dans l'embarras, il tire sur le messager.

Un exemple. Le 30 octobre 2009, deux jours avant les élections, La Presse révèle que le maire s'apprête à augmenter les taxes de 16% s'il est réélu, soit 6% en 2010, 4% en 2011 et 3% en 2012 et 2013. Faux, archifaux, a juré M. Tremblay.

Les faits: les taxes ont augmenté de 6% en 2010 et de 4,3% en 2011.

Chaque fois, c'est la même stratégie, le même discours émotif, le même coupable: La Presse. Et l'histoire, elle, la vraie? Noyée, escamotée.

Le journal The Gazette a aussi eu droit à la colère du maire lorsque ses journalistes sortaient un scandale. Sans oublier le vérificateur. Gérald Tremblay lui a fait la vie dure parce qu'il avait remis des dossiers à la police.

Le maire tire sur le messager. Encore et encore. Cette stratégie porte un nom: intimidation.