Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans l'approche du gouvernement Charest au sujet de la laïcité.

Mardi, le ministre de la Famille, Tony Tomassi, a affirmé la main sur le coeur que l'enseignement de la religion dans les garderies était acceptable. Pas de problème, a-t-il dit. Bien au contraire, les garderies sont le prolongement de la famille.

Le lendemain, dans une volte-face éclair, le ministre a soutenu que la religion n'avait pas sa place dans les garderies.

 

Hier, une nouvelle pièce s'est ajoutée à cette profession de foi laïque: l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité une motion qui dit, en gros, que les services de garde sont laïques.

Formidable. Je n'en demandais pas tant. Si les musulmans, les juifs, les catholiques et autres protestants veulent enseigner leurs préceptes religieux, qu'ils le fassent à l'église, dans les mosquées, dans les synagogues, à la maison, le soir ou le week-end.

Le Québec est laïque, ses institutions sont laïques: tribunaux, écoles, hôpitaux. Pas question de faire une exception pour les garderies. Point final.

Sauf que, sauf que. Le gouvernement oublie un élément important: les écoles privées primaires et secondaires qui, elles, ont toujours le droit d'enseigner la religion. Sans oublier les 34 écoles confessionnelles tenues à bout de bras par l'État: 19 juives, 9 musulmanes, 3 arméniennes, 2 grecques et 1 turque.

Pourquoi dire non aux garderies et oui aux écoles privées et confessionnelles? Où est la logique? Nulle part.

En juin 2005, la religion a été bannie des écoles publiques par un vote unanime à l'Assemble nationale. Je dis bien publiques. Les écoles privées, elles, peuvent enseigner la religion si elles le désirent. Leur seule obligation: respecter le régime pédagogique.

Cette incohérence crée des aberrations. Un exemple: l'école Maïmonide, à Montréal, qui possède un centre de la petite enfance (CPE) ainsi qu'une école primaire et secondaire.

Maïmonide enseigne le «vécu religieux». «La philosophie de l'École est orthodoxe, peut-on lire sur son site web. Les élèves font la prière tous les matins et le port de la kippa est obligatoire.» Avec la bénédiction et l'argent du ministère de l'Éducation.

Selon les nouvelles règles que Tony Tomassi veut adopter, le CPE de l'école Maïmonide n'aura plus le droit d'enseigner la religion, mais dès que les tout-petits mettront les pieds en première année, allez hop! Les prières, la kippa et l'étude de la Torah.

Pour la laïcité, la vraie, on peut repasser.

Je veux bien applaudir le virage laïque du gouvernement, mais qu'il fasse le travail jusqu'au bout. Les écoles privées doivent être assujetties aux mêmes règles que les garderies et le réseau public.

Pourquoi accorder un statut particulier aux écoles privées? Pourquoi leur permettre d'enseigner la religion alors qu'elles sont subventionnées par l'État? Qu'est-ce qui est le plus important pour le gouvernement: conserver les privilèges des écoles privées - fréquentées souvent par les enfants des députés et des ministres - ou garantir le caractère laïque de la société québécoise?

Je le répète: où est la logique?

* * *

Le gouvernement n'ose pas mettre les écoles privées au pas, mais il ne se gêne pas pour traquer une immigrée égyptienne, Naema, qui suivait ses cours de français en niqab.

Elle a été expulsée du cégep Saint-Laurent parce que ses multiples demandes avaient provoqué un climat de tension dans la classe.

Elle s'est de nouveau inscrite à des cours de français dans un centre d'appui aux immigrées subventionné par Québec, d'où elle a été expulsée - encore! - parce qu'elle refusait d'enlever son niqab.

La ministre de l'Immigration, Yolande James, est intervenue. Elle a été intraitable: visage découvert ou expulsion. La ministre a-t-elle vérifié si Naema s'intégrait bien dans sa nouvelle classe? Peut-être suivait-elle sagement ses cours sans rien demander? Comment va-t-elle apprendre le français? Et comment va-t-elle s'intégrer?

Une poignée de femmes en niqab ne remet pas en question la laïcité de la société. Dans la très multiethnique Université Concordia, par exemple, il n'y a qu'une femme en niqab. Une! La laïcité de Concordia n'est pas menacée parce qu'une musulmane suit ses cours le visage caché. Soyons sérieux.

Le gouvernement s'attaque à une femme, Naema, au nom de la laïcité, mais il ferme les yeux sur un système.

Où est la logique? Et où est le courage politique?