Lorsque Lucien Bouchard était premier ministre, il appréhendait ce genre de rencontre. Seul pendant une heure devant plusieurs journalistes de La Presse, obligé de répondre à des questions parfois pointues, sans l'aide de son armée de relationnistes prête à lui souffler la bonne réponse ou à lui refiler le bon chiffre.

Hier, c'était au tour du chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, de rencontrer les journalistes de La Presse. Il a eu une pensée pieuse pour Lucien Bouchard avant de se jeter à l'eau.

 

En apparence, il était calme, sûr de lui. Seul signe de nervosité, ses ongles rongés. Il a parlé, parlé et parlé. C'est un homme de mots. Un torrent, une avalanche de mots, qui sortent comme d'une mitraillette. Il n'a pas pris une seule gorgée de café, trop occupé à discourir.

Pendant une heure, il a vendu son programme, ses idées, sa vision de Montréal. Il a confessé son admiration pour Jean Drapeau et comparé son style un peu carré et exempt de fioriture à celui de Régis Labeaume, le truculent maire de Québec.

«Il a une certaine authenticité, une certaine franchise, a dit Richard Bergeron. C'est ce qui plaît, chez Régis Labeaume. Mais tu peux commettre de petits impairs. C'est ça ou la langue de bois. Si vous dites que je dois ressembler à Louise Harel ou à Gérald Tremblay pour être en politique, je ne veux plus en faire!»

Il est le premier à tirer sur les «professionnels de la politique» mais, dès qu'une question l'embête, il dégaine sa langue de bois, patine et refuse de répondre.

Un exemple: sa position sur le 11 septembre 2001.

Étonnamment, il est arrivé à l'entrevue avec plusieurs exemplaires de son livre Les Québécois au volant, c'est mortel, qu'il s'est empressé de distribuer. Ce livre contient un passage explosif sur le 11 septembre.

«Il se peut» que l'écrasement des avions en Pennsylvanie et à Washington soit «un acte de banditisme d'état aux proportions titanesques», a-t-il écrit. Un acte qui a «procuré aux mafias entourant George Bush un prétexte pour s'emparer une fois pour toutes des réserves pétrolières du golfe Persique».

Il ne renie pas ce passage, mais il le regrette, car depuis qu'il est en politique, il lui a causé bien des maux de tête. Mais comme chercheur, il trouve l'hypothèse tout à fait valable.

Mais laissons de côté les théories farfelues de l'auteur Bergeron et revenons au politicien.

Le programme électoral de Projet Montréal ressemble à un catalogue: 62 pages, 127 engagements. Total de la facture d'ici à 2013: 2,4 milliards.

On trouve de tout, dans ce catalogue. De l'esbroufe et des phrases creuses: «Pour une ville maîtresse de son développement», «Montréal, terre d'investissement» «Pour une ville inclusive» ...

Mais aussi de bonnes idées. Plusieurs bonnes idées.

Promouvoir les énergies renouvelables dans la construction des logements, réduire le coût de la carte autobus-métro et instaurer la gratuité des transports en commun au centre-ville. Mais ces idées ne tiennent qu'en quelques lignes. Pas un mot sur leur faisabilité.

Certaines sont séduisantes: «Débétonner» la ville, réduire les îlots de chaleur, éliminer la circulation sur la voie Camillien-Houde, le boulevard qui défigure la montagne.

Et, évidemment, son dada: les tramways. Un réseau complet. Trente kilomètres d'ici à 2012.

À côté de ces idées, dont Montréal a désespérément besoin, quelques perles échouées au milieu du programme. La perle des perles: subventionner les couches lavables.

Richard Bergeron veut «instaurer un incitatif financier de 100$ à l'achat d'une vingtaine de couches lavables». Mais qu'est-ce qu'une ville vient faire dans les couches? Et pourquoi les contribuables montréalais devraient-ils payer pour encourager les familles à troquer les couches jetables contre des lavables?

Richard Bergeron reproche à Louise Harel de se lancer dans un débat de structures. Il propose pourtant de «réviser la gouvernance de Montréal», d'«engager une réflexion complète sur le système politique», de redessiner le partage des compétences entre la Ville et les arrondissements, de modifier le mode de scrutin, de diminuer le nombre d'élus, de districts et d'arrondissements, etc.

Structures, structures.

Il n'a pas de leçon à donner à Louise Harel.

Si Richard Bergeron est élu maire de Montréal, la Ville va se vautrer dans la consultation aiguë. Chaque commission permanente du conseil municipal aura son comité consultatif citoyen. Sans oublier les budgets consultatifs. Aux citoyens de déterminer les priorités budgétaires de la Ville.

Montréal fonctionne déjà au ralenti, imaginez si le brave citoyen est consulté à chaque pas, chaque décision. On en a pour des siècles et des siècles. Amen.

Tout le contraire de Régis Labeaume.