Diane Lemieux est arrivée comme une reine au bras de Gérald Tremblay. La tête haute, le regard brillant. Un sourire flottait sur ses lèvres pendant que les flashs des appareils photo crépitaient. Visiblement, le pouvoir lui avait manqué.

Depuis 1998, Diane Lemieux a fait du chemin. À l'époque, le premier ministre Lucien Bouchard l'avait recrutée, elle, l'intellectuelle féministe, ex-présidente du Conseil du statut de la femme.

 

En pleine conférence de presse, elle avait gentiment rabroué Lucien Bouchard, qui avait répondu à un journaliste à sa place. Un geste audacieux pour une jeune femme de 37 ans qui n'avait aucune expérience politique.

Baveuse, la recrue.

Hier, elle avait rangé sa fougue. Elle n'avait que des fleurs à lancer à son nouveau chef, Gérald Tremblay.

«C'est mon homme, a-t-elle dit. Je le respecte et j'ai de l'admiration pour lui.»

Sa vision de Montréal est minimaliste. Elle veut améliorer les services de proximité pour que la Ville soit «sécuritaire, les rues agréables, les poubelles ramassées au bon moment».

Elle a conclu en disant: «J'aime Montréal, j'aime les défis et j'aime Gérald Tremblay.»

Elle a oublié d'ajouter: «Et j'aime le pouvoir.»

Diane Lemieux connaît pourtant Montréal. Pendant qu'elle était ministre de la Culture, elle a défendu la montagne; lorsqu'elle était dans l'opposition, elle a hérité du dossier municipal.

Mais hier, elle était mal préparée. Elle se penchait humblement sur les poubelles comme si c'était le sujet de l'heure, alors que Montréal croule sous les scandales et souffre de structurite aiguë. Ça sentait le discours gribouillé sur le bord de la table en deux minutes.

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Diane Lemieux est une bagarreuse, une femme de tête, une stratège. Machiavel peut se rhabiller.

Comme Louise Harel, la nouvelle chef de Vision Montréal. Une ancienne collègue de Diane Lemieux. Elles ont travaillé côte à côte pendant des années. Au pouvoir et dans l'opposition.

Deux femmes fortes qui ont la politique tatouée sur le coeur, deux ambitieuses qui rêvent d'être des leaders. Mais là s'arrêtent les ressemblances. Pendant que Diane Lemieux fonce et met le poing sur la table, Louise Harel susurre sur un ton doucereux.

«Louise va prendre son ton suave pour te dire les choses les plus dures, alors que Diane est très expansive, très passionnée», affirme la députée Louise Beaudoin.

«Deux coqs qui se sont souvent crêpé le chignon», ajoute, de sont côté, un député péquiste.

Si Diane Lemieux a choisi le camp du maire Tremblay, tournant le dos à Louise Harel, ce n'est pas un hasard. Elles ont des divergences profondes. Et elles se détestent.

En 2003, lorsque le premier ministre Jean Charest a déposé son projet de loi sur les défusions, les deux femmes se sont affrontées. Le projet donnait beaucoup de pouvoir aux arrondissements. Diane Lemieux, porte-parole de l'opposition en matière d'affaires municipales, était en faveur; Louise Harel était contre. Farouchement contre. Elle voyait son île, une ville, qu'elle avait défendue bec et ongles, éclater en mini-villes.

Diane Lemieux était aussi partisane acharnée d'André Boisclair; Louise Harel, elle, avait refusé de l'appuyer ouvertement.

En 2005, Louise Harel et Diane Lemieux voulaient devenir chef du Parti québécois à la suite du départ de Bernard Landry. Un nouvel affrontement.

«Diane voulait être chef, mais c'est moi qui ai été désignée aux deux tiers des voix», a précisé Louise Harel, hier. D'un ton suave.

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Deux femmes ambitieuses, intelligentes, fortes. Avec une longue expérience politique. Deux femmes intègres. Ça nous change du gérant de caisse populaire qui se réveille un bon matin en décidant de se lancer en politique municipale.

Ça faisait longtemps que Montréal n'avait pas reçu d'aussi bonnes nouvelles. Gérald Tremblay a réussi un coup de maître en recrutant Diane Lemieux, qui a de fortes chances de devenir présidente du comité exécutif. Gérald Tremblay, un fédéraliste, Diane Lemieux, une souverainiste.

Situation inverse à Vision Montréal. Louise Harel, une souverainiste, Benoit Labonté, un fédéraliste. La politique municipale n'est plus polarisée par les allégeances nationales. Une autre bonne nouvelle pour Montréal.

La Ville est minée par les scandales, paralysée par l'enchevêtrement des structures. Elle est malade, mais son cas n'est pas désespéré puisque des femmes de la trempe de Louise Harel et Diane Lemieux sont prêtes à se pencher à son chevet.