Remarquable. Selon Le Petit Robert, ce mot signifie marquant, notable, distingué, éminent, insigne, rare, épatant, formidable, extraordinaire.

Lundi, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a déclaré qu'Helen Fotopulos, qui dirige l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal depuis 2001, avait fait un travail remarquable. Donc marquant, notable, distingué, éminent, insigne, rare, épatant, formidable, extraordinaire.

Helen Fotopulos venait d'annoncer qu'elle ne serait pas candidate à la mairie du Plateau le 1er novembre. Elle réfléchit à son avenir. Le maire en avait quasiment les larmes aux yeux.

Son remplaçant est déjà trouvé: le conseiller du Plateau, Michel Labrecque, un autre «qui fait un travail remarquable comme élu et comme président de la STM», a précisé le maire.

Lundi, Michel Labrecque, Gérald Tremblay et Helen Fotopulos étaient assis côte à côte face aux journalistes pour annoncer le départ de Mme Fotopulos et son remplacement par Michel Labrecque. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. La société d'adoration mutuelle.

Plusieurs élus s'étaient déplacés pour assister au point de presse, dont le maire de Rosemont-La Petite-Patrie, André Lavallée, qui a passé son temps à se curer les oreilles et jouer avec son BlackBerry.

Comment le maire peut-il dire qu'Helen Fotopulos a fait un travail remarquable? Le diable est aux vaches dans le Plateau. L'arrondissement est mal géré, les tensions sont énormes entre les élus et l'ombudsman, Johanne Savard, qui ne s'est jamais illustrée par des déclarations lapidaires, a dit que c'était «difficile, très difficile» avec le Plateau et qu'obtenir une information était aussi pénible que d'arracher une dent.

«Il faut vérifier les informations qu'on nous donne, elles sont parfois non conformes à la réalité », a-t-elle ajouté.

Une conseillère, Josée Duplessis, a même claqué la porte pour aller rejoindre Projet Montréal. Le maire était au courant des tensions, mais il a préféré garder Mme Fotopulos parce qu'il ne voulait froisser personne. Le syndrome du bon gars.

Des citoyens doivent patienter deux ou trois ans pour des trucs aussi banals que boucher des trous dans les ruelles ou éclairer la piste cyclable qui traverse le parc Laurier.

Quant au travail remarquable de Michel Labrecque, je mettrais un bémol. Doit-on rappeler au maire qu'il fait partie de l'équipe de Mme Fotopulos depuis quatre ans? N'a-t-il pas l'ombre d'une responsabilité dans la mauvaise gestion de l'arrondissement?

Il est en poste à la STM depuis à peine six mois. Il n'a rien fait de remarquable. Les tarifs n'ont pas bougé, les autobus ne se sont pas multipliés et le service ne s'est pas amélioré.

M. Labrecque n'a pas de permis de conduire et il se promène en vélo. Soit. Ça ne le transforme pas pour autant en administrateur compétent et efficace. Il doit faire ses preuves. Il a une sensibilité pour les transports en commun, ce qui est déjà pas mal, mais de là à dire que son travail est remarquable, il y a une marge. On se garde une petite gêne.

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Parlons éthique maintenant. Cette année, Helen Fotopulos a assisté à un match du Canadien dans la loge d'une firme d'ingénieurs, CIMA +, au Centre Bell. Une firme qui a obtenu de la Ville des contrats de plusieurs millions, dont celui de la surveillance des travaux sur le boulevard Saint-Laurent qui traverse l'arrondissement de Mme Fotopulos.

Environ 40 personnes ont envoyé une lettre à La Presse pour défendre Mme Fotopulos. «Une ministre de la Culture peut-elle ou doit-elle rencontrer des artistes, des producteurs, des agents ou des investisseurs culturels?» ont-elles demandé sur un ton ironique.

Mais oui, elle peut rencontrer tous les artistes de la création si elle le désire. Dans le cas de Mme Fotopulos, on est loin d'une rencontre innocente entre une ministre et un artiste. On parle d'une firme d'ingénieurs qui décroche des contrats qui se chiffrent en millions. Un élu ne peut pas copiner avec une entreprise, même autour d'une simple partie de hockey. Le maire Tremblay a d'ailleurs précisé qu'il n'aurait jamais accepté une telle invitation.

La Ville se noie dans les scandales, l'éthique est à la mode et malgré tout, des gens - avocats, architectes, notaires, ingénieurs, présidents de compagnie - défendent Mme Fotopulos dans une lettre ouverte en affirmant qu'elle a bien fait d'accepter l'invitation de CIMA +. Renversant.

En plus, Mme Fotopulos a candidement avoué qu'elle n'aime pas le hockey. Lundi, elle a remis cette histoire sur le tapis. Elle a déclaré qu'elle était très fière parce qu'une quarantaine de personnes étaient venues à sa défense. Le maire n'a rien dit.

Quant à Michel Labrecque, il a continué de diriger le festival Montréal en lumière même s'il avait été élu dans l'équipe du maire. Son festival reçoit des subventions de la Ville. Par contre, dès qu'il a été nommé président de la STM, il a démissionné.

Pourquoi n'a-t-il pas démissionné dès son élection? On ne peut pas jouer sur les deux tableaux: être un conseiller municipal et conserver son emploi de directeur général d'un organisme soutenu en partie par la ville pour laquelle on travaille à titre d'élu. C'est une évidence. Pas pour M. Labrecque, qui a porté les deux casquettes pendant trois ans.

Comme si la notion d'éthique était diluée au municipal et que chaque élu pouvait l'apprêter à sa guise. Des fois, je me dis que cette ville, c'est n'importe quoi.