Si je n'avais pas pris un café espresso bien tassé, je n'aurais jamais survécu à ma journée.

Hier, Vision Montréal a tenu son congrès annuel à l'Université Concordia. Environ 200 personnes à tout casser se sont réunies pour débattre des idées qui formeront la plateforme électorale. Le matin. L'après-midi, les choses se sont gâtées: il n'en restait plus que 115.

Les relationnistes de Vision Montréal jurent qu'il y avait 300 délégués. Impossible. J'ai fait le tour des classes où se tenaient les ateliers et j'ai compté les gens un à un.

À 15h30, les délégués se sont rassemblés dans l'amphithéâtre pour écouter le discours de leur chef Benoit Labonté. Le moment fort de la journée, le clou du congrès. Pourtant, il ne restait plus que 150 personnes, 150 survivants.

Ça, c'est l'arithmétique. Voyons maintenant les idées.

Pas fort, pas fort.

Il y avait six ateliers. Le thème de l'atelier 1: «Une ville dynamique au plan économique». Voici un extrait du programme: «Avoir des infrastructures performantes est un incontournable, mais le contribuable ne doit pas être le moteur de l'investissement économique, au risque de voir son endettement gonflé et devenir un problème hors de proportion.»

Vous y comprenez quelque chose? Pas moi.

Le programme est truffé de phrases ronflantes qui ne veulent rien dire. Exemple: «Il faudra que notre développement économique reflète aussi notre identité en tant que ville de créateurs et de création.»

De créateurs et de création. Qu'est-ce que ça veut dire? On vit une crise économique sans précédent et Benoit Labonté parle de développement économique qui reflète notre identité.

Le mot structurant revient souvent. L'art du vivre ensemble aussi. Sans oublier cette perle: «Cultiver ardemment la cohésion sociale.» À la page 16 du programme, Benoit Labonté invite les Montréalais à «promouvoir la cohésion sociale pour un vivre-ensemble fructueux».

Misère.

J'ai l'impression de lire encore et encore les programmes de Jean Doré, Jacques Duchesneau, Conrad Sauvé, Gérald Tremblay, Pierre Bourque. Toujours les mêmes concepts vagues, un peu fumeux: la ville réinventée, le Montréal métropole, le Montréal des Montréalais, de créateurs et de création.

Re-misère.

En plénière, les délégués ont adopté les résolutions débattues dans les ateliers dans un esprit soviétique. Un ou deux dissidents, pas plus. Pour le reste, une unanimité qui en dit long sur l'absence de vitalité de ce parti.

Il y avait peu de gens connus, à part les élus. Et là encore, on ne nage pas dans la notoriété. Qui connaît Hasmig Belleli, Rémy Tondreau, Jean-Yves Cartier, Gaétan Primeau? Qui?

Benoit Labonté n'est guère plus populaire. Selon un sondage Léger Marketing réalisé en février, le maire Gérald Tremblay récoltait 32% des intentions de vote, Richard Bergeron, le chef de Projet Montréal, 5 % et Benoit Labonté, 4%. Quatre.

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François Purcell et Noushig Eloyan, deux anciens chefs de Vision Montréal, participaient avec un bel enthousiasme aux ateliers et ils juraient fidélité à Benoit Labonté. Benoit par-ci, Benoit par-là. Pourtant, une semaine plus tôt, ils avaient rencontré en cachette Robert Laramée, ancien élu de Vision Montréal et ex-directeur général du parti.

Le sujet de la rencontre: comment se débarrasser de Benoit Labonté qui ne récolte que 4% des intentions de vote. Il y avait deux solutions: fonder un nouveau parti ou fomenter un putsch contre M. Labonté et prendre le contrôle de Vision Montréal. Le nouveau chef? Robert Laramée.

«Purcell et Eloyan n'avaient pas le droit de me rencontrer, m'a confié Robert Laramée, hier. Ordre de Benoit Labonté.»

Mais avec l'histoire des compteurs d'eau et le désarroi du maire qui n'arrive pas à se dépêtrer de ce scandale, Noushig Eloyan et François Purcell ont décidé de laisser tomber Robert Laramée et de miser plutôt sur Benoit Labonté, qui a pris du galon la semaine dernière en s'attaquant habilement à l'intégrité de Gérald Tremblay.

Robert Laramée jure que la rencontre a bel et bien eu lieu. Hier, Noushig Eloyan et François Purcell protestaient, la main sur le coeur. Ils n'ont jamais -au grand jamais!- songé à laisser tomber Benoit Labonté.

Qui ment?

Une chose est certaine, Vision Montréal est en déroute: le parti traîne un déficit de 85 000$ et 17 personnes (élus, cadres et membres importants) ont claqué la porte du parti depuis 2005.

Et ça, personne ne peut le nier.