«Temps de conjugaison: présent, imparfait, futur simple et conditionnel.» «Connaître les temps simples des modes impératif et subjonctif et mémoriser les terminaisons.»

Je n'ai pas trouvé ces phrases dans une vieille grammaire, mais dans une annexe au programme de français du primaire pondu par le ministère de l'Éducation.

 

Mémoriser. Un mot tabou qui avait disparu du vocabulaire des fonctionnaires.

Étonnant? Oui et non.

Oui, parce que les fonctionnaires s'accrochent à la réforme. Ils y tiennent mordicus.

Non, parce que la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a promis, en février, de simplifier les programmes. Le premier sur sa liste: le français.

Elle a tenu parole.

Les ministres passent - il y en a eu six en huit ans -, mais les fonctionnaires restent. Mme Courchesne a réussi à insuffler un peu de bon sens dans la machine. Joli tour de force.

En plus de simplifier le programme, elle a adopté plusieurs mesures pour améliorer le français. La plupart tombent sous le sens: «Les élèves doivent écrire un texte au moins une fois par semaine et faire une dictée régulièrement.» Ils doivent aussi lire.

Il a fallu huit ans de crise pour aboutir à cette tautologie. Qu'un ministre doive inscrire une telle évidence dans un plan est tout simplement renversant. Mais au Québec, on raffole des réformes qui réinventent le bouton à quatre trous.

Les élèves ne sont pas idiots. Ils sont capables d'écrire un texte cohérent. Le problème, c'est leur incapacité de maîtriser la grammaire et l'orthographe.

Pourquoi? Parce que c'est mal enseigné. Le programme de français est confus, empêtré dans un océan de compétences transversales et disciplinaires obscures. Il patauge dans la pensée magique où l'enfant apprend par lui-même et doit deviner les règles. Comme si la grammaire pouvait s'apprendre par l'opération du Saint-Esprit.

Mme Courchesne l'a compris. D'où l'annexe de 15 pages qui a l'immense mérite de ramener l'enseignement sur le plancher des vaches. Et qui ose réhabiliter la mémorisation.

Le Ministère a aussi simplifié le libellé des compétences. L'exercice n'est pas concluant.

«Affirmer sa personnalité» devient «Développer sa personnalité». «Apprécier des oeuvres littéraires» a été transformé en «Donner son opinion sur des textes». «Mobiliser sa compréhension de textes entendus» a été modifié pour «Comprendre des textes entendus». Et «Réinvestir sa compréhension de textes» s'est métamorphosé en «Comprendre des textes».

Huit pages de compétences reformulées.

Combien de fonctionnaires ont travaillé là-dessus?

Toutes ces compétences prétentieuses qui encombrent la matière devraient être jetées à la poubelle.

Selon Arlette Pilote, présidente de l'Association québécoise des professeurs de français, le programme pourrait se résumer en trois compétences: savoir écrire, lire et communiquer.

Simple. Trop pour le Ministère, qui ne jure que par le socioconstructivisme.

* * *

La réforme n'est pas sortie du bois. Le programme n'a pas été réécrit. On lui a plutôt collé une annexe de 15 pages qui essaie de simplifier et de hiérarchiser les connaissances. Un outil indispensable pour les enseignants.

Les compétences restent, le prêchi-prêcha socioconstructiviste aussi.

Depuis huit ans, les différents ministres de l'Éducation ont essayé de corriger les pires travers de la réforme. Tout se fait à la petite semaine: une annexe par-ci, des pourcentages dans le bulletin par-là...

Ce raboudinage crée des incohérences. Les connaissances sont évaluées dans un bulletin construit autour des compétences. Pour passer du langage des compétences à celui des connaissances et transformer le tout en pourcentage, le Ministère a pondu des grilles de conversion flyées.

Le bulletin est devenu un monstre. Pourtant, l'intention de la ministre était louable: simplifier le bulletin pour que les parents le comprennent.

Mme Courchesne veut aussi s'attaquer au secondaire et aux autres programmes: mathématiques, sciences...

Elle a du pain sur la planche. Mais elle risque de manquer de temps. Avec les élections, les cartes vont de nouveau être brassées et l'Éducation risque d'hériter d'un nouveau ministre, le septième en huit ans.

L'élan sera stoppé. C'est transversalement exaspérant.