Pensez donc, l'occasion était belle pour Jean-François Lisée de marquer des points ! Son parti piétine dans les sondages et dans les idées, et il avait la chance d'être invité à l'une des émissions radiophoniques préférées de la jeune génération. Il est débarqué là avec l'envie de montrer son côté cool. Il est reparti en laissant l'image d'un homme capable des pires blagues de mononcle.

Invité pour la 184e fois à l'émission radiophonique La soirée est (encore) jeune, le chef du Parti québécois a voulu expliquer l'idée « innovatrice » qu'il a eue en nommant Véronique Hivon vice-cheffe de son parti. Lisée a donc fait une comparaison entre le concept du PQ et celui de Québec solidaire, représenté par les deux co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé. C'est alors qu'il a dit : « En plus, contrairement à Manon, elle [Véronique Hivon] n'a pas de moustache. »

Le public, habitué à huer de manière complice les quatre gars de LSEEJ (notamment lors des jeux de mots de Jean-Sébastien Girard), a cette fois spontanément et franchement manifesté son mécontentement face à la mauvaise blague de Lisée. Un malaise a alors plané.

Que voulait dire Jean-François Lisée au juste ? Que sa vice-cheffe est plus féminine que Manon Massé parce qu'elle se rase la moustache, les aisselles et les jambes comme toute femme devrait le faire ?

L'auteur de cette torpille balourde s'est empressé de rédiger sur Facebook un mot d'excuse dans lequel il rappelle habilement que Manon Massé elle-même fait des blagues sur sa moustache.

La principale intéressée n'a pas voulu commenter l'affaire, car elle est au chevet de sa mère malade. Gabriel Nadeau-Dubois a toutefois qualifié la blague de « mauvaise ».

D'abord, il serait grand temps qu'on en revienne de la moustache de Manon Massé. Les commentaires à son sujet font petit peuple. Laissons cela à André Arthur ! Ah oui, c'est vrai... j'oubliais, il n'est plus là pour être le porte-étendard de l'ânerie.

Deuxièmement, en homme intelligent qu'il est, Jean-François Lisée sait très bien que ce type de blague sur l'apparence physique de quelqu'un ne se fait pas, surtout quand on aspire à être premier ministre.

Peut-être que Manon Massé assume sa moustache. Mais en entendant ce commentaire maladroit, j'avais en tête tous ces jeunes ridiculisés dans les cours d'école à cause de leur apparence physique. Ces jeunes n'attendent qu'une chose des adultes : qu'ils les protègent, pas qu'ils leur rappellent leurs intimidateurs.

Cet écart de la part du chef du PQ nous ramène à la fameuse performance que visent les invités qui vont dans les émissions de divertissement. La soirée est (encore) jeune est diffusée en direct d'un bar devant un public enflammé et elle se fait en compagnie de quatre gars qui ont la dégaine facile. Il arrive fréquemment que l'on sente la pression qui repose sur les épaules des invités. Ils veulent être à la hauteur, ils gesticulent et se débattent comme des damnés pour en ressortir gagnants. Bref, ils en font parfois trop et y perdent au change.

Je me souviens des premières saisons de Tout le monde en parle, où des invités vendaient carrément leur âme au diable. Il y a eu des moments « malaisants » où des gens, à force de vouloir être à la hauteur, avaient l'air complètement ridicules. Comme a déjà dit un jour Henri Salvador : « L'humour, c'est comme le swing... ça ne se travaille pas. Ou tu l'as, ou tu ne l'as pas. »

Depuis que les politiciens ont pris l'habitude d'aller dans les émissions de divertissement, on a eu droit aux extrêmes : cela peut rapporter beaucoup (Jack Layton à TLMEP), mais cela peut être néfaste.

Je suis le premier à apprécier que les politiciens sortent de leur zone de confort pour montrer leur côté humain, mais ils doivent savoir que ces entrevues sont une arme à deux tranchants.

Et il semblerait que l'arrivée en renfort des réseaux sociaux conforte les conseillers et attachés de presse dans leur idée que ces apparitions publiques sont toujours une bonne chose. On va à une émission, on dit une niaiserie, on rédige un mot d'excuse sur Facebook ou Twitter, et hop ! on croit l'affaire réglée.

Ce procédé est devenu courant. Et trop facile à mon goût. Malheureusement pour Jean-François Lisée, les excuses qu'il a offertes à Manon Massé ne m'ont pas convaincu. Son commentaire m'est resté en travers de la gorge.

À l'instar de plusieurs milliers de Québécois, Jean-François Lisée est en train de vivre le fameux « mois sans alcool ». Dimanche soir, à La soirée est (encore) jeune, il buvait une boisson non alcoolisée. Fort heureusement... Imaginez ce qu'il aurait pu dire.