«Apprenez à vivre seul», «Vivre seule et être épanouie», «Le défi de vivre seul». Avez-vous remarqué comme les titres de magazine qui portent sur les personnes vivant seules abondent depuis quelques années? Et pour cause, cette réalité est de plus en plus présente dans nos sociétés.

C'est ce que confirment de récentes données de Statistique Canada dévoilées hier. On y apprend que 28% des ménages canadiens sont composés d'une seule personne. Du jamais vu. Le Québec détient le record dans ce domaine, avec un taux de 33,3%.

Ce mode de vie est maintenant le plus répandu au pays. Il dépasse les couples avec ou sans enfants. Pour expliquer ce phénomène, les spécialistes de Statistique Canada évoquent le vieillissement de la population et le nombre sans cesse plus élevé de séparations ou de divorces.

Ces explications sont à ranger dans la catégorie de la solitude subie. Mais je crois qu'il faut tenir compte de l'autre catégorie : la solitude choisie. Des hommes et des femmes de tous les âges prennent la décision, à un moment de leur vie, de vivre seuls, qu'ils soient en région ou dans les grandes villes.

Cela serait lié à une indépendance financière de plus en plus répandue. Est-ce que vivre seul serait devenu le dernier des grands luxes? Je le crois.

Pour ces gens, vivre seul ne veut pas dire nécessairement vivre isolé. Beaucoup de gens qui ont adopté ce mode de vie vous le diront. Cela ne les empêche pas d'avoir une vie professionnelle grouillante et une vie sociale très riche. Certains font parfois justement le choix de vivre seul après avoir connu des années trépidantes sur le plan social qui leur ont procuré une surdose dont ils ont envie de se reposer.

Cela dit, je ne serai pas aussi optimiste que Gilbert Bécaud qui chantait avec son énergie légendaire que «la solitude, ça n'existe pas ». Ceux qui subissent la solitude contre leur gré peuvent souffrir énormément. Ce phénomène est un énorme défi pour nos sociétés.

L'histoire de cette femme de 65 ans retrouvée sans vie dans son appartement de Trois-Rivières un mois après son décès en novembre 2015 a secoué l'opinion publique. Le rapport du coroner publié il y a quelques jours nous apprenait que la dame recevait un appel téléphonique par mois de son fils. Elle vivait donc une profonde solitude.

Dans son rapport, le coroner recommande aux offices d'habitation du Québec une plus large utilisation de Pair, programme offrant un service d'appels quotidiens automatisés aux personnes vivant seules. Nous en sommes là.

La solitude subie peut être un drame. Celle qui frappe la femme devenue veuve à 71 ans, celle qui survient quand on se sépare à 38 ou à 56 ans, celle qui vous étrangle quand votre entourage fout le camp à cause d'un problème de consommation. Ce n'est pas facile à ce moment-là de «refaire sa vie», une expression que je n'ai jamais aimée.

Mais plusieurs vous le diront : «refaire sa vie» peut vouloir dire «donner un autre sens à sa vie». 

Ces mêmes personnes vous diront aussi qu'on arrête de souffrir quand on arrête d'attendre. Attendre l'autre, attendre l'amour, attendre une présence à côté de soi sur le divan ou dans le lit.

Interviewé par Lizette Gervais en 1978, à la radio de Radio-Canada, Pierre Bourgault s'est, comme à son habitude, brillamment exprimé sur la solitude, un état qu'il a bien connu. Dans cette entrevue, consultable sur le web, il répond à la question suivante : «Qu'avez-vous appris à vivre seul?»

Le sage qu'il a toujours été dit ceci : «Je me suis appris moi-même.»

Les mots de ce fin observateur de la vie et des êtres humains expliquent, à mon avis, pourquoi il y a aujourd'hui un plus grand nombre de gens qui vivent seuls. Il y a aujourd'hui de plus en plus de femmes et d'hommes qui ont le courage et l'audace d'aller voir qui ils sont vraiment.

Le rôle des autres est de savoir distinguer les types de solitude : celle qui réclame notre présence ou celle que l'on se doit de respecter et de ne pas juger comme on le fait parfois quand on regarde une femme qui a choisi d'avoir un enfant seule (Oh! la désespérée qui n'arrive pas à se pogner un gars!), un jeune immigré qui fréquente un gai plus vieux (Oh! le jeune profiteur!) ou une femme d'âge mûr qui a un amant plus jeune (Oh! la vicieuse!).

Vivre seul n'est pas toujours un état dont on pâtit. C'est aussi une manière de se rapprocher de la liberté.