On a souvent dit que les Québécois, particulièrement les francophones, n'ont pas la culture du mécénat. Les choses sont en train de changer sérieusement. Des milliers de jeunes professionnels de la métropole ont créé des comités de philanthropie qui viennent à la rescousse des musées, des compagnies de théâtre, de danse et de musique. Ils sont une véritable manne pour les directeurs de ces institutions.

Tout a commencé avec un certain Jean-François Séguin, qui étudiait à la New York School of Law. Lors de son séjour dans la Grosse Pomme, il a découvert le groupe Young Associates du Metropolitan Opera, formé de jeunes gens d'affaires enthousiastes et désireux de s'impliquer dans le milieu de la culture. À son retour à Montréal en 2009, il a cofondé le comité des jeunes associés de l'Opéra de Montréal.

Le concept a vite fait boule de neige, de sorte qu'aujourd'hui, tous les grands organismes culturels de Montréal ont un comité de jeunes mécènes qui les soutient.

L'objectif est clair: aller chercher de l'argent. L'argent dont disposent ces jeunes, mais aussi celui qu'on peut aller récolter ailleurs. «Oui, bien sûr, on veut créer une relève philanthropique, mais on veut également amener les jeunes vers la culture», explique Sébastien Barangé, vice-président aux communications chez CGI et fondateur de la BAAM (Brigade Arts Affaires de Montréal).

Un autre but s'ajoute à cela: assurer une nouvelle gouvernance. «Il est important de préparer la prochaine génération de gestionnaires de ces organismes, dit Guillaume Thérien, directeur du marketing à l'Opéra de Montréal et membre des jeunes associés du même organisme. Chez nous, un principe a été adopté: le président sortant des jeunes associés se retrouve automatiquement membre du conseil d'administration de l'Opéra.»

Qui fait partie de ces comités? Des avocats, des comptables, des jeunes de la finance. Il n'y a pas de règles quant à l'âge, mais disons que le concept de la «jeunesse» va jusqu'à 40 ans.

«D'ailleurs, on se retrouve avec un certain défi. Entre les jeunes mécènes et les plus vieux, il y a une sorte de no man's land. Les gens de 40 à 60 ans sont moins présents. Le Musée des beaux-arts est en train de remédier à la situation avec le Cercle des anges», explique Sébastien Barangé, fondateur de la BAAM (Brigade Arts Affaires de Montréal).

Contrairement aux groupes de jeunes mécènes de Toronto, on n'exige pas toujours une donation annuelle à Montréal. «En revanche, on explique aux membres qu'ils vont devoir participer à un certain nombre d'événements ou s'impliquer dans des activités de commandite», explique Jessica Drolet, conseillère chez Syrus Réputation et coprésidente des jeunes gouverneurs des Grands Ballets canadiens.

Plusieurs entreprises ou cabinets d'avocats encouragent leurs jeunes employés à faire partie de ces comités. Ceux qui entreprennent cette démarche arrivent avec une volonté certaine. «Un jour, je suis allé voir un jeune professionnel pour le convaincre de faire partie des jeunes associés, raconte Guillaume Thérien. D'emblée, il m'a dit qu'il n'aimait pas l'opéra. Je trouvais que ça commençait mal la rencontre. Mais il a ajouté qu'il trouvait important qu'il y ait une maison d'opéra à Montréal et qu'il avait envie d'embarquer.»

Évidemment, quand on songe à ces jeunes mécènes, on a l'image de jeunes hommes sérieux en cravate ou de jeunes femmes en tailleur qui ne voient là qu'une occasion de réseautage. Il y a une part de vérité là-dedans. Mais on aurait tort de généraliser.

«Récemment, on a tenu l'événement Une nuit à l'opéra. C'était un gros party avec DJ, qui s'est déroulé sur la scène parmi des éléments de décor et qui a duré jusqu'à trois heures du matin», se rappelle Guillaume Thérien, des jeunes associés de l'Opéra de Montréal.

Si la plupart des organismes culturels de Montréal ont leur groupe de jeunes mécènes, il existe aussi des associations philanthropiques dont les actions sont plus libres. C'est le cas de la BAAM (Brigade Arts Affaires de Montréal), qui vient en aide à divers petits organismes culturels qui n'ont pas la chance d'obtenir d'importantes subventions. De temps à autre, la BAAM fait des campagnes de financement ciblées. C'est le cas de l'opération Un cadeau pour Montréal.

«Ce qui est formidable, c'est que ces gens ne se contentent pas de signer un chèque: ils veulent s'impliquer pour vrai, dit Sébastien Barangé. Dans le cadre du projet Un cadeau pour Montréal, une fois qu'on a atteint notre objectif financier, les donateurs ont dit: "O.K., qu'est-ce qu'on fait maintenant?" Nous nous sommes impliqués dans chacune des étapes du processus de sélection de l'oeuvre.»

Maintenant que la plupart des grands organismes culturels de Montréal ont un comité de jeunes philanthropes, la prochaine étape sera de créer des comités pour les plus petits organismes et d'être plus audacieux dans les actions.

«On est challengé, dit Sébastien Barangé. On nous a récemment présenté des projets en art visuel autochtone, des performances sur le thème des transgenres et du théâtre pour les nouveau-nés. Il faut aller vers ça.»

Ces comités sont devenus tellement populaires qu'on refuse certains membres. «On doit les rediriger vers d'autres organismes», dit Jessica Drolet. La jeune femme s'est récemment adressée à un groupe d'élèves du secondaire. «Je leur ai parlé de philanthropie. J'ai été surprise de voir à quel point il y a un réel appétit de s'impliquer.»