Ne demandez pas à Stéphane Laporte ce qu'il entend dans ses rêves depuis quelques nuits. La chanson Je vole passe en boucle dans sa tête. Ce grand succès de Michel Sardou, ressuscité par la jeune chanteuse Louane dans le film La famille Bélier, est la chanson la plus populaire auprès des candidats qui auditionnent pour La Voix Junior, dont Laporte est sélectionneur.

Lancées le week-end dernier à Québec, les auditions ont lieu depuis mercredi à Montréal.

Dès l'aube, des centaines de parents et leur progéniture ont bravé la neige et le froid pour faire la queue pendant des heures à l'hôtel Gouverneur. Je suis arrivé là vers midi. Il y avait des gens partout en train de remplir des fiches d'inscription.

Après une attente dans une grande salle, on faisait monter des candidats par petits groupes dans une autre salle où se déroulait la fameuse audition de présélection. Outre Stéphane Laporte, la productrice Valérie Dalpé et la directrice musicale Marie-Ève Riverin étaient là pour entendre les jeunes chanteurs âgés de 7 à 14 ans, qui seront choisis pour faire partie de l'émission diffusée l'automne prochain.

Je l'avoue, je suis débarqué là avec d'énormes préjugés. Je m'attendais à y voir des caniches tout juste bons à donner la patte et à s'égosiller devant un micro en rêvant de devenir la prochaine Céline Dion.

Après avoir discuté avec une douzaine de parents et leur enfant, mes idées préconçues se sont estompées.

Je n'y ai rencontré que des jeunes d'une étonnante maturité, prêts à s'amuser et «à vivre une belle expérience», sans plus.

Gabrielle Audet, 13 ans, attendait de faire son audition quand je lui ai parlé. Légèrement maquillée, les cheveux gonflés, la jeune fille doit crever l'écran avec son joli minois. «Je ne sais pas ce que la vie me réserve. Je fais cette audition et on verra bien», me dit-elle avec l'assurance d'une jeune adulte.

Laury-Jade, 10 ans, et Sophie, 11 ans, ne se connaissaient pas. Et pourtant, elles étaient assises l'une à côté de l'autre. Les deux avaient prévu chanter Je vole de Louane et les deux ont comme idole Marc Dupré.

La première était venue avec son grand-père Guy. C'est lui qui l'amène tous les lundis à son cours de chant. «Je chante depuis que j'ai 3 ans, me dit Laury-Jade. Je me sens bien quand je chante, je me sens libre.» J'avais l'impression d'entendre Ginette Reno... J'ai été encore plus renversé d'entendre que l'un des trois chanteurs préférés de Laury-Jade est... Serge Fiori.

Rencontré entre deux auditions, Stéphane Laporte a confié qu'après quelques centaines d'auditions, il avait déjà vu de «grands talents». Il évalue à environ 4000 le nombre de candidats qu'il aura l'occasion de rencontrer au cours des prochaines semaines à Gatineau, Chicoutimi, Gaspé, Moncton et de nouveau Québec.

Une centaine de candidats seront retenus pour les fameuses «auditions à l'aveugle» devant les trois juges de l'émission, dont Marc Dupré et Marie Mai.

«Je regarde l'aspect technique, bien sûr, mais je m'attarde surtout à leur capacité à émouvoir, à toucher les gens.»

À vue de nez, environ 80 % des participants sont des filles. J'ai dû chercher un peu pour trouver un garçon. Je suis tombé sur Thomas, 10 ans. Il a une bouille à faire craquer toutes les mamans du monde. Thomas avait préparé une chanson d'Ed Sheeran. Il chante depuis cinq ans, mais il veut devenir un athlète professionnel. «Je fais pleurer ma mère quand je chante», dit-il d'un air taquin. Sa mère, Chantal Fortin, a confirmé. «Il touche mon coeur quand il chante J'ai planté un chêne de Gilles Vigneault.»

J'ai reparlé à Gabrielle après son audition. Tout s'était bien déroulé. La jeune fille demeurait calme. Ses parents, Robert et Jacynthe, l'étaient moins. Je les ai vus, l'oreille collée sur la porte, pendant l'audition de leur fille unique. Ils retenaient leur souffle en scrutant chaque note qui filtrait par la porte. «On a été présents à chacune des étapes importantes de sa vie, dit son père. On m'a dit qu'un seul parent pouvait monter pour l'audition. Je n'ai pas pu m'empêcher de venir.»

Je m'attendais à voir des enfants guidés par l'appât de la gloire. J'ai rencontré des gamins qui voulaient surtout s'amuser, sans se prendre au sérieux. Je m'attendais à voir des parents désireux de vivre un rêve dont ils avaient été privés à travers leur rejeton-chanteur. J'ai vu des parents qui appuyaient simplement et sereinement leur enfant, comme d'autres le font lors de compétitions de natation ou de judo. Les temps ont bien changé depuis le mythique concours des Talents Catelli. On a tiré des leçons à tous les niveaux. C'est clair.

Reste qu'il s'agit de l'étape préliminaire. Souhaitons que les parents des candidats qui accéderont à la gloire continuent d'être de bons gardiens. Et que les futures stars juniors qui naîtront de cette aventure continueront à garder les deux pieds sur terre. On leur souhaite surtout de rigoler comme de vrais enfants lorsqu'ils verront les fauteuils des juges pivoter.