Mis à part la crainte qui va et vient que l'attitude de Donald Trump n'entraîne une détérioration grave des équilibres diplomatiques, en quoi est-ce que les frasques du président américain finissent par nous concerner ? La réponse ici s'impose : son obsession pour la protection primaire de l'économie de son pays en limitant la venue de produits d'ailleurs et la refonte des accords internationaux qui ont bâti l'économie mondiale depuis quelques décennies pourraient tous nous toucher.

S'il décide réellement de mettre la hache dans l'ALENA et de favoriser le Mexique - sa sortie de la semaine dernière - et même l'Europe - sa sortie de cette semaine - au détriment des Canadiens, on va en voir l'impact.

Les entreprises d'ici réfléchissent depuis son arrivée au pouvoir sur la question, mais comme consommateurs, comment doit-on se positionner ?

Certains Canadiens ont choisi d'arrêter de consommer des produits américains. Le réseau CTV a fait état en juin, à la suite de l'imposition des tarifs trumpiens sur l'acier et l'aluminium en mai, d'une vague d'annulations de voyages estivaux aux États-Unis et de boycottage de certains produits.

En plus, comme le premier ministre canadien a décidé de frapper toute une gamme de produits américains de nouveaux tarifs, en réponse à ceux déterminés par Trump, la décision de consommer canadien est devenue quasi naturelle.

Dans un article récent de La Presse canadienne, on pouvait voir la liste des produits américains visés par les nouvelles taxes à l'importation et on y recommandait tous les substituts canadiens possibles. Du rye au ketchup, en passant par les stylos-feutres, la liste est longue. 

***

Pour bien des apôtres de la consommation locale, cela n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle.

Acheter ce qui se fait ici plutôt qu'aux États-Unis permet à notre économie de garder sa santé en procurant des emplois et en encourageant les talents. Ici, on connaît les conditions de travail de ceux qui fabriquent ces produits, qui rendent ces services. On a nos lois pour les protéger. Et en outre, plus on réduit la distance entre la production et la consommation, plus on diminue les impacts environnementaux du transport de marchandises.

On finit peut-être par payer plus cher, et cela défavorise des consommateurs qui n'ont parfois pas les moyens de dépenser plus pour des produits qui ne sont plus soumis aux mêmes lois de la concurrence internationale, avec la pression à la baisse sur les prix que cela apporte. Mais de façon générale, ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. Dans une société de surconsommation, le freinage des achats, les ralentissements doivent être regardés d'un point de vue ouvert.

De façon très générale, nos sociétés ont intérêt à acheter moins, pour la survie de la planète si ce n'est pas celle de nos portefeuilles.

En ce sens, on pourrait presque applaudir Trump et se rallier à tous ceux qui, au Canada, à la fin des années 80, ont tout fait pour empêcher le premier ministre de l'époque, Brian Mulroney, de signer l'accord de libre-échange avec les États-Unis puis avec le Mexique, que Trump ne cesse d'attaquer.

Imaginez s'il fallait un jour remercier les frasques du président, parce qu'elles nous auront obligés à diversifier nos échanges en cherchant de nouveaux clients ailleurs qu'aux États-Unis, si cela, en fin de compte, nous a encouragés à développer de nouveaux produits canadiens concurrentiels avec ce qu'on importe du Sud...

L'ironie est quand même immense : Donald Trump du même côté de l'échiquier politique que les militants antimondialisation... Vont-ils l'inviter à Porto Alegre, leur Davos ?

Probablement pas, car il aura peut-être changé d'avis 28 fois d'ici là sur son attachement aux accords commerciaux.

Ses tergiversations lui permettent de donner l'impression qu'il protège le made in USA, sans pour autant réellement changer les fondements de l'économie américaine, qui dépend de cette circulation des biens et services, autant pour écouler sa production à l'étranger que pour remplir ses Walmart à bas prix de produits venus de loin. Est-ce nécessaire de rappeler que les frères Koch, les milliardaires qui jouent un immense rôle politique aux États-Unis en appuyant les politiciens de droite les plus engagés envers la défense des libres marchés, sont en campagne contre Trump dans ce dossier. Le protectionnisme du Donald, très peu pour eux. Donc le président joue sur tous les tableaux.

***

Comme consommateurs, donc, que doit-on penser de tout cela ?

La consommation locale canadienne, québécoise a du bon, beaucoup de bon. Mais doit-on abandonner l'idée de consommer américain ? Des fromages artisanaux du Vermont jusqu'aux publications alternatives de l'Oregon - pour ne prendre que ces exemples les plus caricaturaux -, l'Amérique a toutes sortes de produits et services à offrir qui défendent des valeurs bien loin de celles véhiculées par ce président protectionniste quand ça lui dit.

Doit-on punir ceux qui font du bon boulot parce que leur président n'est pas optimal ?

Comme consommateurs, nos choix sont importants et il n'existe pas de formule automatique pour prendre ces décisions.

Pouvez-vous croire que, finalement, Trump aurait peut-être l'effet bénéfique de nous faire réfléchir sur notre consommation ?

Difficile à imaginer.