Chaque été a, généralement, sa chanson thème. Get LuckyHappyCan't Stop the Feeliiiiiing...

Cette année, je ne sais pas encore quel air triomphera, mais l'an dernier, tout le monde sera d'accord, c'était Despacito, la version avec Justin Bieber.

Pour cet été, en revanche, il y a une chose qui est claire : le Despacito des sujets de conversation, ce sont les pailles. (Et par extension, la lutte contre le gaspillage du plastique.)

As-tu vu qu'Untel a cessé les pailles? As-tu vu la vidéo de la tortue qui avait une paille dans le nez? Ah ! tel resto a largué les pailles en plastique...

On a l'impression d'apprendre chaque jour, chaque semaine, que telle ou telle grande chaîne de restauration rapide a décidé de se débarrasser des pailles, incluant ici les St-Hubert, Cora et Starbucks.

Hier, c'était evenko qui annonçait que le festival Osheaga n'aurait pas de pailles en plastique et que ce serait pareil à plusieurs autres festivals.

Osheaga va aussi encourager les festivaliers à traîner leurs bouteilles d'eau à remplir. Parce que cet été, quand on ne parle pas de pailles, on parle de bouteilles. On ne vient pas de découvrir le concept, quand même; la bouteille en plastique jetable a mauvaise presse depuis longtemps.

Mais la bouteille de verre ou de métal a franchi de nouvelles étapes dans son adoption par le grand public.

Un jour, on a droit à un grand article dans une revue - oui, je pense à vous, New York Magazine - sur le fait que les bouteilles d'eau sont devenues des accessoires de mode et que les entreprises de bouteilles design se multiplient et que ça mérite bien une entrevue avec deux fondatrices de telles entreprises à succès. S'Well, BKR... Ça vous dit quelque chose? Je ne comprends pas, d'ailleurs, qu'après les tuques et les sandales de plage, on ne voie pas déjà des bouteilles aux logos Balenciaga ou Givenchy...

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C'est probablement le designer Karim Rashid, avec sa Bobble, il y a huit ans déjà, qui a dessiné la première bouteille post-look-de-camping, néo-bobo-écolo et 100% design. Mais on dirait que cet été, ça y est, le jello est réellement pris. On veut arrêter de jeter tout ce plastique. Et on se trouve beaucoup mieux, et plus chic, de faire ainsi.

Les occasions d'affaires sont-elles donc au rendez-vous?

«Sûrement», répond Karel Ménard, du Front québécois pour une gestion écologique des déchets. «La nature a horreur du vide.»

On a ainsi commencé à parler des pailles en bois que j'avais vues aux États-Unis, à côté de pailles en métal. Parce qu'il n'y a pas que les pailles de carton qui prennent du galon, j'en ai vu aussi en bambou, même en tiges creuses de plantes fraîches. Les bars et les restos font preuve d'imagination.

Je venais à peine de raccrocher le téléphone avec M. Ménard qu'arrive dans ma boîte courriel un texte d'une agence de presse qui commence ainsi : «Phillip Jacobsen a commencé à vendre des ustensiles compostables en 2011 et, environ six mois plus tard, a élargi la gamme de produits de Greenmunch pour y inclure des pailles en papier.» Greenmunch, apprend-on dans le texte, est une entreprise albertaine.

«Les pailles en papier à motif coloré étaient à la mode à l'époque, se souvient-il, et les magasins de fournitures de fêtes approvisionnaient ses produits. Depuis quelques années, la demande des restaurants, des hôtels, des bars et d'autres entreprises du secteur de la restauration a commencé à éclipser celle des magasins de détail.»

En fait, apprend-on aussi dans le texte, la demande est tellement forte pour les pailles qui ne sont pas en plastique, voire compostables, que l'entrepreneur doit refuser des commandes. Il prédit même un problème assez large d'approvisionnement.

La paille pas en plastique a la cote.

Imaginez.

On estime que les Américains utilisent plus qu'une paille par personne par jour, explique M. Ménard. Soit 175 milliards de pailles par an. Si on les mettait bout à bout, on ferait deux fois et demie le tour de la Terre.

La demande est vaste.

Tout ce plastique n'est pas réutilisable ou récupérable ou recyclable, donc il y a un énorme gaspillage de ressources dont on peut parler, mais il y a aussi visiblement un besoin important. On a besoin d'aide pour boire.

Et les verres? Et les bouteilles en plastique? Parce que le domaine ne se limite pas aux pailles et qu'il y a encore d'autres besoins, autant du côté de la récupération que de la solution de rechange efficace à ces objets polluants.

Et on est là à parler de pailles et de bouteilles, mais tout ce plastique, ajoute M. Ménard, ce n'est qu'une petite partie du problème. Il y a aussi les bâtonnets pour le café, tous les emballages commerciaux - alimentaires et autres -, les cotons-tiges, les sacs et encore les sacs, les rasoirs, les couverts en plastique...

Devrait-on les interdire? Les taxer plus?

À discuter.

Mais ce qu'il faut, surtout, aussi, ce sont des idées créatives et des entrepreneurs qui nous proposent toutes sortes d'autres solutions utiles, efficaces, réalistes, réellement écolos et vraiment conviviales à tout cela.

En plus de nos bouteilles cool et pas cassables et isolées, etc., va-t-on se promener avec une fourchette et une cuillère après le porte-clé? Va-t-on tous troquer le cellophane pour le tissu ciré, le temps venu d'emballer nos restes?

Est-ce la paille en bambou ou en métal qui va triompher?

Hâte de voir émerger de nouveaux produits, de nouvelles idées.