Évidemment, c'est une fois le téléphone raccroché que j'ai pensé à la question que je voulais vraiment poser en entrevue à notre personnalité de la semaine : Laurent Duvernay-Tardif, avez-vous un défaut ?

Étudiant en médecine, joueur de football professionnel dans la NFL, chez les Chiefs de Kansas City - donc athlète brillant, talentueux et plutôt confortablement rémunéré -, éloquent, allumé, gentil et maintenant officiellement généreux, puisqu'il vient de lancer une fondation, le colosse de 26 ans originaire de Saint-Hilaire, fils de boulangers - Le pain dans les voiles à Rosemont -, a un CV tellement parfait qu'on ne s'étonne même pas de l'entendre parler, en plus de tout cela, de musée, de ballet et de l'importance de la culture. Comme s'il n'y avait aucune limite à ses intérêts et à sa curiosité pour le monde qui l'entoure.

Saviez-vous que, en plus de tout le reste, il « essaie de convaincre un ou deux [footballeurs] par année » d'aller avec lui voir une expo d'art contemporain ou, pourquoi pas, Casse-Noisette ? « Si on n'est pas habitué à ce genre d'activité culturelle, ça peut être intimidant, mais si quelqu'un te dit : "Allez, viens-t'en", ça change tout. Donc je leur tends la main... »

Est-ce en passant deux de ses années d'enfance en voilier avec ses parents, à voyager de par le monde, à étudier les sciences et les langues - français, anglais, espagnol -, à découvrir la différence, qu'il s'est ainsi forgé ?

En fait, je lui ai trouvé un défaut, un seul : Laurent était omniprésent dans les médias cette semaine. Il prenait un peu toute la place. C'est parce que mercredi, il a lancé officiellement sa nouvelle fondation, la Fondation Laurent Duvernay-Tardif, dont la mission sera d'aider, d'encourager, de motiver les jeunes à être physiquement actif.

« On veut leur donner envie de bouger. »

Et pour cela, la fondation veut pouvoir financer des activités « clés en main » dans les écoles avec des athlètes de haut niveau, hommes et femmes, des gens qui iront s'amuser avec les jeunes tout en pratiquant un jeu ou un sport. Évidemment, Laurent sera le premier sur la ligne.

« En fait, la Fondation met un cadre à des projets existants », explique le joueur de football dont la fondation aura un autobus rempli d'équipement sportif. Et c'est ce véhicule qui se baladera dans la province pour aller trouver les jeunes dans les écoles et dans les parcs. Pour le moment, on en est encore à l'étape de la planification et de la mise en place, mais à terme, précise Duvernay-Tardif, il y aura un système pour que les écoles puissent demander la visite du bus et la tenue de journée d'activités.

Mais la première étape du financement de tout cela est déjà en marche : la publication cette semaine et la vente d'un livre sur la carrière et les réflexions de Laurent, écrit par le journaliste Pierre Cayouette et intitulé L'homme le plus intéressant de la NFL.

Où trouve-t-il le temps de faire tout cela ?

Mystère. Parce que le jeune homme est aussi étudiant en médecine à l'Université McGill, où il jouait pour les Redmen quand il a été recruté par la NFL comme garde, en 2014.

Pour le moment, dit-il, la conciliation sport-médecine se fait plutôt bien. La saison de football commence en mai par un premier camp d'entraînement, puis en juin, tout cela s'intensifie jusqu'à ce que les matchs commencent officiellement en septembre et arrêtent totalement, au plus tard avec le Super Bowl au début de février. Le joueur peut donc passer une bonne partie de l'hiver et du printemps au Québec où, année après année, il étudie et fait ses devoirs.

Le hic, c'est la résidence, cette partie de la formation médicale où l'étudiant doit pratiquer sous supervision pendant deux ans. Ça, ça ne se fait ni à temps partiel ni à distance. La clé, explique le joueur de football, sera de voir combien de temps la faculté de médecine lui permet d'attendre entre la fin officielle des études et le début de la résidence.

Cela dit, le joueur a déjà 26 ans, dans un sport où les carrières sont courtes. Et les contrats pas garantis. Où il y a des blessures à la tonne. Bref, où l'avenir demeure toujours un point d'interrogation.

Entre-temps, aime-t-il sa vie à Kansas City, au coeur du Midwest américain ? « Les gens y sont extrêmement chaleureux et sympathiques », dit-il. Et ce, même s'il est conscient que son poste lui confère un certain statut de chouchou. La ville compte 500 000 habitants et remplit constamment son stade de 80 000 places. Disons que le football y est plutôt apprécié...

Kansas City, c'est aussi au coeur d'une région très rouge, très Trump, mais dans le vestiaire, ça ne l'est pas nécessairement. « Il y a des joueurs de partout aux États-Unis qui jouent ensemble dans l'équipe donc tout le monde n'a pas la même opinion politique », explique-t-il. « Ça a été un sujet plutôt chaud pendant la dernière année ! »