Installée dans le quartier bien nommé de Russian Hill, dans un immeuble où les locataires se partagent les vues vers Alcatraz et le pont du Golden Gate ou encore celle du centre-ville avec rues en montagnes russes et tour pyramidale, Naomi Assaraf, une jeune femme originaire de Chomedey, vit son rêve américain.

Elle a cofondé une société de techno, CloudHQ, qui marche bien. « Oui, on se paie des salaires et on fait même des profits ! » Elle vit dans une tour d'appartements hyper conviviale, aux loyers flexibles, donc remplie de start-up - c'est là que Dropbox a commencé et qu'habite le rédacteur en chef de Tech Crunch - où tous les jours elle rencontre des entrepreneurs allumés comme elle. 

Elle gère son temps comme elle le veut, privilège d'entrepreneur, ce qui est bien utile quand on a un fils de 7 ans et qu'on aime le jogging sur le bord de la mer. Et elle est au coeur de l'action, à la case départ de la révolution technologique qui est en train de changer notre civilisation en général, et notre quotidien en particulier.

Quand on entre dans son appartement, elle dit à sa radio de se taire : « stop » et rit gentiment de moi quand je lui explique que je ne suis même pas certaine de savoir comment gérer mon unique « nuage ». J'essaie de comprendre parce que son entreprise aide les gens qui utilisent plusieurs applications branchées sur plusieurs sortes de « cloud computing » donc différents « nuages » qui ne communiquent pas naturellement entre eux.

Constamment, elle ralentit ses explications... J'apprends autant ce qu'est Slack (une application de travail en groupe) que Postmates (un service de livraison quasi instantanée de tout, tout le temps). À San Francisco, tout le monde parle un langage techno mettant des mots sur une réalité qu'on connaîtra la semaine prochaine ou l'année qui vient. Peut-être un peu plus tard.

Naomi, qui a maintenant 39 ans, est arrivée à San Francisco en 2012, en suivant son mari. Aujourd'hui le couple est séparé, mais l'entrepreneure a choisi de rester en Californie, pour que papa, maman et le fils de 7 ans restent dans une seule ville.

CloudHQ n'est pas la première entreprise que lance cette jeune femme qui a littéralement l'entrepreneuriat dans son ADN. Elle a démarré sa première société à 17 ans. « J'embauchais des camionneurs pour faire du transport vers les États-Unis ! » Son grand-père était entrepreneur dans la fabrication du plastique. Son arrière-grand-mère, Esther Witen, a lancé la marque de cornichons Mrs Whyte's... « Même à 16 ans, j'étais toujours en train de vendre quelque chose », raconte-t-elle en buvant de la tisane bio dans un pot Mason, évidemment.

Naomi a travaillé dans bien des secteurs avant de se diriger vers la techno. Transport, produits de beauté, matériaux industriels... En terminant son bac à Concordia en marketing et en sociologie, elle a été embauchée chez Memtronic, où elle vendait des composantes électroniques. « Là, j'ai tout appris de la vente. »

Mais Naomi veut lancer sa propre business et décide d'ouvrir un spa dans un gros centre de conditionnement physique de Dollard-des-Ormeaux, puis elle a un enfant et réalise qu'elle doit organiser sa vie autrement.

Donc elle lance Bionomie Cosmétiques, une société de crèmes bio. Mais rapidement son mari d'alors, qui lance sa propre entreprise, décide qu'il veut déménager en Californie pour faire avancer les affaires. Qu'importe, Naomi le suit. Elle se trouvera bien du boulot.

Et comme de fait, elle est embauchée par PeopleBrowser, une entreprise qui aide les entreprises à gérer leurs propres réseaux sociaux.

« Je peux dire que ça a été une expérience formidable et vraiment utile pour moi. J'ai rencontré des gens importants. Beaucoup d'opportunités, mais c'était un rythme de vie difficile » explique-t-elle.

En Californie en général, comme à New York et dans les autres grandes villes américaines, on s'attend à ce que les employés soient toujours disponibles. « Si on t'appelle à 22 h, on s'attend à ce que tu répondes. »

Mais l'avantage d'être en Californie, c'est la culture d'entrepreneuriat. « Au Québec, en Europe, il y a une frilosité permanente. Ici c'est toujours : "Allons-y". »

C'est ainsi que Naomi a choisi de quitter la société et de refaire le saut dans le vide en devenant consultante à la pige, pour aider notamment les entreprises avec leurs campagnes sur les réseaux sociaux, autant du point de vue technique que stratégique. C'est ainsi qu'elle a connu les gens de CloudHQ, des clients, qui lançaient leur société. Elle est embarquée dans le bateau. Et elle est devenue chef du marketing et cofondatrice. Tout ça en moins de cinq ans.

« La vérité que j'essaie de cacher, c'est que je suis une nerd », dit-elle en riant. « J'adore ça. Je cherche de nouveaux clients et j'essaie de garder nos clients heureux. » Ce sont surtout des entreprises qui fonctionnent sur de multiples plateformes, comme le détaillant J.C Penney par exemple.

Naomi Assaraf ne croit pas que son parcours soit si exceptionnel à San Francisco et elle le voit se propager. « À l'avenir, on sera tous pigistes, donc tous chefs de notre propre entreprise », dit-elle. Selon elle, les robots feront les tâches qui ne nécessitent pas de créativité spéciale tandis que les humains essentiels pour la pensée originale, resteront maîtres de leurs idées.

Pour le moment, CloudHQ est la propriété des trois fondateurs, qui se paient des salaires, partagent les profits et emploient cinq autres personnes.

« Je ne suis pas hyper riche, mais je vis très bien », confie-t-elle. « Et le temps est une commodité. Et j'en ai beaucoup plus qu'avant. »