Jacques Parisien, le nouveau président du conseil d'administration du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), n'est pas peu fier de l'institution dont il prend les rênes.

Durant les prochains jours, on va beaucoup entendre parler de voitures, de course, de tourisme, on va nous dire amplement combien le Grand Prix rapporte à Montréal en retombées économiques. Mais ce qu'on ne rappellera peut-être pas, c'est ce que dit l'étude de McKinsey que M. Parisien m'a apportée avec un grand sourire hier matin en entrevue : le Musée des beaux-arts rapporte plus à la Ville que cet événement de course automobile, plus que les festivals réunis, plus que le Palais des congrès. « C'est 100 millions en retombées économiques », lance l'ancien dirigeant d'Astral et de Bell Media, la veille de l'annonce officielle de sa nomination. « C'est un grand musée. »

En 2014, avec 1 million de visiteurs, le MBAM s'est classé au premier rang canadien en nombre de visiteurs, 12e en Amérique du Nord - juste après le Guggenheim à New York - et 50e au monde. Depuis 2010, on a pratiquement doublé l'achalandage. Le nombre de membres a aussi explosé.

Et c'est sans parler du rayonnement garanti par des expositions itinérantes créées au musée, comme celles sur Rodin, l'art cubain ou l'oeuvre du créateur Jean Paul Gaultier qui, après cinq ans et 12 arrêts dans autant de lieux d'expositions, se promène encore ; elle est actuellement à Séoul.

Bref, M. Parisien prend la tête d'une institution qui avance bien et qui est dirigée habilement par Nathalie Bondil. En novembre, premier geste des fêtes du 375e anniversaire de la ville, on inaugurera un autre pavillon, celui de la Paix, qui accueillera les collections du Moyen Âge à l'art moderne, de Rembrandt à Picasso, alors que le pavillon Desmarais, lui, deviendra un carrefour pour les cultures du monde. Avec ses cinq pavillons, le musée sera le 18e en Amérique du Nord en superficie.

« Son succès ? Le musée est proche de sa communauté, il fait du bon marketing, il est engagé socialement, explique Parisien. Encore [hier] matin, j'ai pu constater à quel point les employés sont passionnés... »

Alors, a-t-il des défis à relever comme nouveau président ?

« D'abord, je veux assurer la continuité. Mais je dois aussi veiller à la pérennité financière. Chaque année, c'est un combat. Il y a de l'incertitude. Ce n'est pas drôle de travailler comme ça. »

Le musée s'autofinance à 55 %, des fonds provenant de campagnes de financement, de projets, des visiteurs, de dons faits autant par de grands mécènes de toujours que de nouveaux acteurs de la philanthropie qu'on recrute autant dans les jeunes entreprises et chez les technos que dans les grands bureaux de comptables ou d'avocats.

Mais il dépend quand même à 45 % de subventions, et M. Parisien trouve normal, vu son impact économique et culturel pour toute la société, qu'on l'aide ainsi.

Toutefois, malgré les signaux positifs venant de Québec et maintenant d'Ottawa - qui joue un rôle d'aide mineur -, les points d'interrogation qui demeurent autour de l'octroi de subventions, maintenues au niveau de 1993, nuit au musée, explique-t-il. Les mécènes, par exemple, ne veulent pas que leur argent serve à éponger les coupes imprévues et à financer les opérations quotidiennes. Ils veulent que leur argent soit utilisé pour des projets spéciaux, des acquisitions, etc.

« On est prêts à partager les responsabilités et que tout ça soit en lien avec notre performance, précise M. Parisien. Mais on veut de la stabilité. »

Au programme, donc, dès aujourd'hui : « expliquer, réexpliquer, convaincre » les autorités subventionnaires.

Autre tâche de l'homme d'affaires ? Épauler la direction et la fondation dans les démarches de démocratisation de l'institution.

Le musée se transforme. L'écrin devient actif. Il aide les écoliers à s'ouvrir l'esprit, il accueille les personnes âgées qui viennent marcher dans ses couloirs et dégourdir leurs neurones.

Nathalie Bondil a mille projets pour transformer le rôle de son navire. La neuropsychologie est mise à contribution. L'art nous aide à être heureux, ouverts, a un effet positif sur le cerveau de tous, rappelle-t-elle. Disons-le, encourageons-le. Le scientifique en chef, Remi Quirion, a d'ailleurs été nommé au conseil du musée, annonce M. Parisien.

L'art propose aussi toutes sortes de lectures sur nos réalités contemporaines. Il parle de pauvreté, de richesse, de vieillesse, de l'évolution de la beauté à travers les âges. Sa lecture et sa relecture nous aident à avancer, à contextualiser, à réfléchir sur des problèmes actuels touchant tout le monde. Le musée aide en ce moment le groupe ÉquiLibre à promouvoir la diversité corporelle avec des images de déesses aux formes les plus variées. Avez-vous dit multifonctionnel ?

Et si Montréal est multiculturel, que son musée le soit aussi, annonce le nouveau duo. En 2017, on le verra bien, promettent Mme Bondil et M. Parisien. En attendant, on verra une expo Chagall et la musique et bientôt les affiches de Toulouse-Lautrec.

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M. Parisien est membre du conseil d'administration du musée depuis trois ans. Avant ça, en plus de piloter le groupe de restaurants SoupeSoup qu'il a acheté il y a deux ans, il a été président du conseil à Tourisme Montréal, aux Fêtes du 375e, à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie, à la chambre de commerce du Montréal métropolitain, à Power Communications... L'ancien numéro deux d'Astral, puis dirigeant de Bell Media, aime la culture et sa ville.

« C'est un choix », lance-t-il, quand je lui fais remarquer qu'il y a ce lien entre tous ces organismes qu'il a présidés ou pilotés.

« Je ne me qualifierais pas de collectionneur, mais j'aime l'art et je suis et je serai toujours curieux. Mon exposition préférée sera toujours la prochaine. »

PHOTO Martin Chamberland, LA PRESSE

Jacques Parisien avec Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal