Le succès vient rarement sans prise de risque. Et la prise de risque vient rarement sans échec, ou du moins sans la considération de l'échec comme un scénario probable.

L'échec fait donc intrinsèquement partie du succès.

C'est la théorie du FailCamp et c'est de cela qu'on a causé vendredi après-midi avec quelques centaines de personnes réunies dans les locaux de Sid Lee par Robert Boulos, Francis Gosselin et Léa Beauchamp-Yergeau, les trois pilotes de ce colloque sur l'art de se casser la gueule.

On a parlé d'humiliation, de dépression, de perte d'argent, de dettes à payer, de vocation manquée, de projets ratés.

Et on a bien ri. Et pleuré aussi un peu parce que peut-on parler d'échec sans un peu de tristesse ? Mais surtout, on a parlé de résilience, de rebonds, de solutions, de regards différents afin que l'échec soit vu pour ce qu'il est : une étape sur le chemin de toute vie, de toute carrière, de toute construction d'entreprise.

Il y avait Andy Nulman, cofondateur de Just for Laughs et d'Airborne - deux entreprises plutôt réussies - et personnalité incontournable du monde des affaires de Montréal, qui est venu raconter une présentation absolument désastreuse, l'humiliation totale, devant le gratin de la publicité et du marketing à Toronto. Il y avait Jean-Martin Aussant, économiste, analyste financier et homme politique, qui a raconté, ému, comment ses succès politiques ont été obtenus au prix d'un échec personnel : manquer les deux premières années de la vie de ses jumeaux. Et comment, quelque part, sa vie cachait un autre grand échec : le rêve jamais réalisé d'être compositeur. On le voit comme banquier, politique, penseur économique, mais son vrai lui, a-t-on appris, est musicien.

Justin Kingsley, communicateur, humoriste, publicitaire, est venu, lui, raconter la fois où, alors qu'il était attaché de presse du premier ministre Paul Martin, il s'est retrouvé au coeur d'un cafouillage de communication monumental.

On a entendu aussi Theo Diamantis, importateur de vins, cofondateur de la très dynamique agence OEnopole, raconter comment il s'est totalement planté en lançant son entreprise. Il pensait vendre du vin grec aux quelque 1400 restaurateurs grecs de Montréal. Erreur. Aucun n'en voulait. Coincé avec une cargaison de vin déjà importée de Grèce, au bord du désespoir, il est allé voir le chef de Toqué !, Normand Laprise, pour l'implorer de goûter à son vin que tous les autres trouvaient trop cher. Le chef a non seulement adoré le petit cru en question, il a acheté sa cargaison au complet. Et ce fut le début...

Il y avait aussi Ina Mihalache, alias Solange, coqueluche de YouTube, qui est venue dire avec cette craquante autodérision devenue sa marque de commerce comment ses problèmes dépressifs sont au coeur de son succès, un mot qu'elle-même, cependant, n'utiliserait au grand jamais. Pourtant, avec un livre et un long métrage à son CV, sans parler des millions de fans sur la chaîne internet qui boivent chaque capsule de Solange te parle, on ne peut pas exactement parler de catastrophe...

Parmi les conférenciers, il y avait aussi Anne Marcotte, de Vivemtia, entrepreneure au parcours professionnel impressionnant - à 39 ans, elle a vendu sa première société et est devenue financièrement indépendante -, mais dont la vie personnelle, a-t-elle expliqué, est difficile, car les amoureux potentiels ont de la difficulté - ils le lui ont affirmé plus d'une fois - à accepter des femmes ayant son succès.

La plupart des conférenciers sont arrivés avec des conseils. 

« Quand votre entreprise va mal, payez-vous en premier. » - Une recommandation formulée par l'entrepreneur Philippe Richard Bertrand lors du Failcamp

Selon cet entrepreneur qui a lancé dix entreprises dont trois ont connu le succès, il faut d'abord veiller sur soi - et payer le loyer et l'épicerie - si on veut ensuite pouvoir veiller sur les autres. C'est le bon vieux concept du masque à oxygène dans l'avion qu'on doit mettre en premier si on veut avoir la capacité d'aider ses proches.

Bertrand a aussi insisté sur la nécessité, si l'échec se pointe, de surveiller les pièges que sont la drogue - prescrite ou non -, l'alcool et autres « kicks », et de trouver des passions parallèles refuges. Anne Marcotte a quant à elle souligné l'importance de définir correctement ce qu'est le succès. Selon elle, le sentiment d'améliorer la vie des autres est bien plus grisant que la réussite financière.

Andy Nulman, lui, a indiqué que ce qu'on appelle un échec n'en est pas souvent un et qu'il faut vite en revenir. « Je regarde [ce que j'ai fait] et je me dis : "Au moins, j'ai eu le courage de le faire ! Je me fiche de vous. Et c'était même pas si grave." »

L'attitude générale à avoir, dit-il, c'est « j'ai raison et vous êtes stupide ».

Parfois, rappelle l'homme d'affaires - qui a vendu Airborne, la société qu'il a cofondée, pour 100 millions -, certaines erreurs font plus mal que d'autres. Il a déjà perdu 400 000 $ en achetant des stocks de marchandises à la Bourse, alors qu'il n'y connaissait rien du tout. « Un conseil : sachez ce que vous faites, renseignez-vous. » Cet argent perdu l'agace encore. « Mais je préfère tomber sur le derrière plutôt que de ne pas essayer de nouvelles choses. »

En gros, conclut-il, l'échec total n'existe pas. C'est toujours une leçon, un tremplin, une bonne histoire dont on rit ensuite, une expérience dont le sens changera, se définira au fil du temps. « Sauf que tout ça, c'est difficile à voir quand tu es en plein dedans ! »