Grande nouvelle cette semaine dans le domaine du graphisme. Non, je ne parle pas du lancement en grande du nouveau Playboy maintenant sans filles nues, qui ont plutôt été remplacées par des filles presque nues d'allure moins adultes que jamais et tout droit sorties de l'univers visuel d'Instagram et de Snapchat.

Non, la grosse nouvelle cette semaine dans l'univers du graphisme, c'est qu'Uber, l'application qui permet de trouver du transport privé en tout temps, a changé son logo et toute son identité graphique.

Pendant que les chauffeurs de taxi de Montréal - et de partout dans le monde - se demandent quels moyens de pression utiliser pour protéger leurs acquis - bloquer des ponts ? envahir des artères cruciales ? faire le ménage ? (non, ça, c'est moi qui l'invente) -, les penseurs d'Uber réfléchissent encore et encore à la manière de réimaginer leur marque.

Ainsi, après quatre ans, le U recroquevillé sur lui-même un peu coincé d'Uber a laissé place à un logo qui veut incarner la rencontre entre les « bits » informatiques et les atomes bien concrets de la vie de tous les jours, a expliqué le chef de la direction de l'entreprise californienne, Travis Kalanick, dans un communiqué publié mercredi.

« Vous est-il déjà arrivé de regarder la coiffure de quelqu'un en vous disant "Lui, il est resté dans les années 90 ?". C'est à peu près ce à quoi je pensais en regardant le logo et le design d'Uber », a-t-il écrit, avant d'annoncer l'arrivée du nouveau design, un symbole plutôt carré tout simple sur fond à motifs, dont le but est d'être déclinable pour différents pays et différents services.

« Au début, Uber, c'était un chauffeur privé à la portée de tous, explique encore Kalanick. Aujourd'hui, nous voulons rendre le transport aussi fiable que l'eau courante, disponible partout et pour tous ; notre nouvelle identité de marque reflète cette réalité. Nous sommes ravis de partager cette nouvelle avec vous et nous espérons que cette coupe de cheveux durera un peu plus longtemps que la dernière. »

Dans son communiqué, l'entrepreneur laisse en outre entendre qu'Uber n'a pas l'intention de se contenter d'être un substitut de taxi. « Nous transportons désormais des biens, des repas et bientôt peut-être beaucoup plus... », écrit le PDG de l'entreprise qui révolutionne le transport privé dans bien des grandes villes.

Pour Patrick Williams, directeur de la création chez TP1 et membre du conseil d'administration de la Société des designers graphiques du Québec, le résultat est « mitigé ».

La prémisse de la réflexion qui a mené à la refonte est intéressante, dit-il, cette rencontre entre le numérique et l'organique. Il était aussi essentiel de travailler l'identité d'une façon qui permette sa conjugaison sur toutes les interfaces numériques. En revanche, il estime que l'ancien logo en U d'Uber était plus clairement reconnaissable parmi d'autres applications sur un écran d'iPhone, par exemple.

La particularité de la nouvelle identité est son côté non statique qui ne va pas jusqu'à s'animer comme le logo de Google, mais qui s'adapte néanmoins aisément aux circonstances. Le motif de fond, la tapisserie sur laquelle s'inscrit l'image symbolisant la binarité informatique, change notamment de couleur et de graphisme. Tout se transforme selon le pays où on se trouve, avec des références à la culture locale, tout en gardant un ancrage visuel précis.

Mais selon M. Williams, la rencontre entre ce côté caméléon et le logo de base laisse à désirer.

Ce qui demeure frappant dans cette histoire de changement de logo et le questionnement qui l'entoure, c'est à quel point la société Uber semble un peu toute seule au XXIe siècle dans le monde du transport privé, pendant que les taxis traditionnels rament pour comprendre ce qui leur arrive.

On l'a dit et répété, il y a moyen de « légaliser » Uber et de rendre la cohabitation avec les taxis traditionnels viable. Mais ce que les taxis doivent commencer à envisager illico, c'est comment aller retrouver Uber dans notre millénaire en tout ce qui touche le marketing, la communication.

Il y a beaucoup à faire !

Patrick Williams croit que les taxis et Montréal auraient à gagner d'une identité visuelle précise pour tous les véhicules. Un logo, une couleur.

Il croit aussi qu'il leur faut entrer dans ce siècle avec des applications. Il faut rejoindre la clientèle comme le fait Uber. Permettre aux gens d'obtenir une voiture rapidement, avec beaucoup d'information - notamment où est localisée la voiture et quand arrivera-t-elle ? - qui rend l'attente beaucoup plus gérable que lorsqu'on est laissé dans la brume.

Selon moi, il faut aussi impérativement penser aux véhicules. Pourquoi pensez-vous que j'ai adopté le système de partage automobile Car2Go ? Pour la joie de chercher un véhicule dans mon quartier en marchant huit pâtés de maisons sous la pluie ? Pour n'avoir aucune traction dans ma Smart, dans la neige ? Pour le plaisir de chercher un parking qui convienne et pas trop loin de ma destination finale parce que, là encore, si je prends une voiture, ce n'est pas pour avoir à prendre un bus ensuite pour arriver au resto...

Non, je prends Car2Go car les prix sont concurrentiels mais aussi beaucoup parce que les voitures sont propres, neuves et me donnent l'impression d'être en vacances dans un véhicule loué, et non pas dans le tacot sans amortisseur tapissé de journaux imbibés d'eau sale d'un grognon au téléphone.

« Il faut de nouvelles façons de rejoindre les clients, résume Patrick Williams. Et il y a de grands efforts à faire. »