Il est fort peu probable qu'un restaurant montréalais, même canadien, se retrouve lundi sur la toute nouvelle liste des 50 meilleurs restaurants au monde, le fameux palmarès 50Best publié chaque année par le magazine britannique Restaurant.

Mais au moins, cette année, il y a un restaurant montréalais dans la liste des 100 meilleures tables au monde. Joe Beef est en effet en 81e place de la version allongée du célèbre «hit-parade», a-t-on appris mardi.

«On est vraiment très contents de ça», a confié David McMillan, l'un de deux chefs du restaurant de la Petite-Bourgogne, en entrevue. Surtout que l'établissement n'a eu l'aide de personne pour en arriver là, la gastronomie étant, pour reprendre les mots de McMillan, «totalement négligée» par les gouvernements et autres organismes touristiques.

«On se sent un peu comme les intrus qui se sont glissés dans un party de riches et qui vont être mis à la porte dans quelques secondes», a-t-il aussi commenté sur Instagram avec son humour rempli d'autodérision habituel.

Le Canada n'a jamais compté de restaurant parmi les 50 premiers de cette célèbre liste, très controversée en France. Mais il a déjà vu certaines tables se frayer un chemin sur la liste des 100 meilleures adresses, notamment Langdon Hall à Cambridge en Ontario et Rouge à Calgary en 2010. Jamais une table québécoise n'y a figuré avant l'apparition, cette année, de Joe Beef.

La liste, publiée par le magazine Restaurant et commanditée par la marque d'eau gazeuse San Pellegrino suscite beaucoup de discussions depuis quelques années.

Pour plusieurs, c'est une liste peu fiable car elle n'est pas transparente et est basée sur des votes exprimés par quelque 800 professionnels dans le monde (des chefs, des restaurateurs, des journalistes, dont je fais partie) qui n'ont pas de comptes à rendre pour prouver, par exemple, qu'ils n'ont pas été invités par les restaurateurs. En France, un mouvement «Occupy 50Best» a été lancé, une pétition a été mise en ligne. «Nous sommes un collectif d'indignés face au classement 50Best Restaurants! Copinage, magouilles et opacité: nous n'en voulons plus!», peut-on lire sur la page Facebook du groupe.

Pour d'autres, cette liste est arrivée en 2002 dans le monde de la restauration comme un vent de fraîcheur en apportant un autre point de vue que les traditionnelles et rigides étoiles Michelin. Aux juges, on ne demande que d'évaluer la qualité de leur expérience dans le restaurant. Ainsi, des tables qui n'ont pas trois étoiles et qui ne veulent pas se conformer à ce style classique - pensez nappes blanches et argenterie, voire guéridon - peuvent être en haut du palmarès, comme le Chateaubriand à Paris ou Noma à Copenhague. Le restaurant Momofuku à New York, un bar à nouilles, a déjà fait partie de la liste des 50 meilleures tables du monde...

Sur la liste, Joe Beef est entre Daniel à New York, la table de Daniel Boulud, et le Louis XV à Monaco, phare de l'empire d'Alain Ducasse! On peut difficilement imaginer des styles de restauration plus différents.

Avec les années, les gouvernements et acteurs du monde du tourisme de plusieurs pays ont compris la façon de fonctionner de la liste et son immense impact médiatique - le tourisme a augmenté de 14% à Copenhague depuis que Noma est premier sur la liste! - et ont cherché, avec succès à en tirer partie.

Le Pérou, par exemple, ou encore la Suède et Singapour pour ne nommer que ceux-là, ont commencé à investir en relations publiques et surtout à faire venir les chefs et les journalistes chez eux. Le but de l'opération étant, d'abord et avant tout, d'exposer les gastronomes susceptibles d'être des juges, à ce qui se fait chez eux.

À Montréal, on n'a jamais fait ça.

«Tourisme Montréal ne me suit même pas sur Twitter», lance McMillan en rigolant.

Si des juges ont voté pour Joe Beef, c'est parce qu'ils s'y sont rendus de leur propre chef. «Personne n'amène de journalistes chez nous», affirme-t-il.

Le mérite du restaurant de la rue Notre-Dame est d'autant plus grand.