Au départ, la nouvelle est sortie sans le moindre détail: David Goldberg, patron de la firme SurveyMonkey de Silicon Valley, mari de la numéro deux de Facebook Sheryl Sandberg, est mort.

C'était vendredi, il y a huit jours.

Et puis, l'affaire s'est précisée. Goldberg, 47 ans, a été retrouvé mort sur le plancher de la salle d'exercice d'un grand hôtel au Mexique. Il gisait, dans son sang, à côté d'un tapis roulant, visiblement victime d'un grave traumatisme crânien. Aucune trace de violence. L'homme est mort à la suite d'un accident.

Et puis, cette semaine, d'autres données ont commencé à faire surface. L'entrepreneur, père des deux enfants de Mme Sandberg, avec qui il a été marié pendant 11 ans, faisait de l'arythmie peu avant sa mort.

Est-ce l'arythmie qui a causé sa chute, est-ce le traumatisme de la chute qui a causé le problème cardiaque? A-t-il trébuché sur son tapis au point de se casser la figure parce qu'il ne connaissait pas l'appareil? A-t-il été distrait par quelque chose - comme son téléphone intelligent? Avait-il une malformation congénitale inconnue, au cerveau, expliquant qu'une simple chute et un traumatisme crânien banal aient eu des conséquences aussi tragiques?

«Je ne peux pas m'imaginer qu'une simple chute du tapis, même à haute vitesse, ait pu causer ça», répond le spécialiste du cerveau et neuropsychologue Dave Ellemberg, de l'Université de Montréal. «À mon avis, il devait y avoir une fragilité. Une fragilité artério-veineuse? Une malformation?»

Il n'est pas rare, dit-il, qu'on vive pendant des années avec une malformation congénitale sans le savoir. Qu'aurait pu avoir Goldberg? Le professeur n'en a aucune idée. Juste un doute.

Le kinésiologue Daniel Curnier, également de l'Université de Montréal, se pose aussi bien des questions. «A-t-il trébuché ou a-t-il eu un étourdissement? Faisait-il souvent de la course sur un tapis? Était-ce un tapis qu'il ne connaissait pas?»

Il est extrêmement rare que des gens meurent en tombant de tapis roulants en faisant de la course.

Mais il n'est pas rare qu'on se blesse plus ou moins légèrement avec de tels appareils, note M. Curnier.

Si on ne connaît pas bien le tapis, sa mesure, ses fonctions, on peut faire un faux pas, appuyer sur le mauvais bouton.

M. Curnier se rappelle un incident dramatique, une personne qui avait perdu pied et s'était accrochée aux poignées du tapis pendant de longues secondes, laissant ainsi ses genoux se faire râper au sang. Le hic: cette personne prenait des anticoagulants.

Tous ceux qui travaillent dans les centres sportifs dotés de tapis roulants vous le diront - et YouTube le confirme -, des tas de gens tombent chaque jour des tapis roulants, ce qui crée des situations plus ou moins graves, souvent cocasses. Parfois ils oublient que le tapis roule déjà quand ils montent dessus. Parfois, ils reculent trop sur le tapis sans le savoir et se font projeter par celui-ci.

Élément de distraction ou de non-concentration? Les écouteurs! Curnier, qui entraîne notamment des cyclistes, croit que pour ce sport, sur route, les écouteurs sont carrément à proscrire. Ils empêchent les athlètes d'entendre les voitures. Mais il conseille même aux coureurs de les laisser de côté. «Pour un entraînement maximal, mieux vaut se concentrer sur l'effort, sur la manière de courir», dit-il.

Dans la presse américaine, on a aussi longuement écrit sur la question depuis une semaine. Peut-on à la fois être branché sur un téléphone intelligent, avec tout ce que cela comporte de courriels, textos et autres sources de distraction, et courir sur des machines de plus en plus complexes? Doit-on voir ce type de course mécanisée presque comme de la conduite automobile où l'on ne risque pas de foncer dans une autre voiture, mais où on peut très bien se blesser?

Est-ce une des leçons à tirer de cet accident tragique?

Selon Curnier, une des conclusions de cette triste affaire, c'est qu'il faut apprendre à être conscient de son environnement et se poser des questions quand on fait du sport. Fait-il trop chaud ou trop froid? Est-ce que je connais bien l'équipement? Un test médical au préalable? Pas une mauvaise idée, sachant toutefois qu'on ne peut jamais tout détecter et que certains programmes de dépistage systématique ont été efficaces, d'autres moins.

Il faut aussi s'assurer que quelqu'un d'autre est au courant d'où on est, de ce qu'on fait, de l'heure à laquelle on devrait normalement rentrer de la séance d'exercice, ajoute Ellemberg. La vitesse d'intervention est souvent cruciale. «Par exemple, dans les cas de rupture d'anévrisme, on peut sauver des vies avec des interventions suffisamment rapides.» Il faut que nos proches sachent quand commencer à s'inquiéter.

Et la dernière leçon importante, selon Ellemberg, c'est de constater et d'admettre que ce qui s'est passé était hautement improbable. Statistiquement, on parle d'un risque infime.

Ce qui est beaucoup plus important, statistiquement, ce sont les effets positifs de l'exercice sur la santé. Ces bienfaits, eux, ne sont pas rares, mais plutôt hyper fréquents.

Le vrai risque, c'est la sédentarité.