Saviez-vous qu'Helen Mirren, la grande dame du théâtre et du cinéma britannique de 69 ans, est maintenant un des visages des campagnes publicitaires de la marque de produits de beauté L'Oréal dans son pays?

Saviez-vous que la marque de cosmétiques NARS a recruté quant à elle Charlotte Rampling, actrice de 68 ans, tandis que Marc Jacob Beauty allait chercher pour sa campagne de 2014 la magnifique Jessica Lange? Oui, celle qui jouait dans King Kong en... 1976. Elle a 65 ans.

Les marques de produits de beauté sont-elles enfin en train de réaliser que les acheteuses de fards à joues, fonds de teint et autres rouges à lèvres ne s'identifient plus aux mannequins, aussi belles soient-elles, de 19 ans et quart?

Ces marques auraient-elles enfin compris que pour aller chercher des acheteuses, il fallait leur montrer autre chose qu'un modèle seul et unique de femmes? Parce que les acheteuses, elles, viennent dans toutes sortes de modèles, grandes et petites, minces et rondes, et dans tous les âges?

S'il vous plaît Lancôme, ramenez-nous Isabella Rossellini!

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Les femmes parlent depuis maintenant longtemps de la nécessité de brasser la cage, de remettre en question l'homogénéité des images féminines présentées dans les médias. Au cinéma, dans la mode, dans la pub. Parce que cela crée, notamment, des générations de femmes déprimées par leur apparence - quand elles n'ont pas carrément des troubles alimentaires, une addiction au bronzage, ou une dépendance aux traitements cosmétiques - qui ont l'impression qu'elles n'atteindront jamais les idéaux qui leur sont présentés.

Mais on discute rarement de l'efficacité réelle des campagnes uniformes en publicité et de l'effet potentiellement rébarbatif créé par l'utilisation de modèles auxquels des pans entiers de la population ne peuvent s'identifier.

On dit rarement à quel point il est absurde qu'à l'aube de 2015, donc alors que les premiers baby-boomers commencent à se préparer à fêter leurs 70 ans - en 2016 -, on n'ait pas encore énormément modifié nos façons de communiquer avec les consommateurs.

En allant finalement chercher des femmes de plus de 65 ans, la pub est-elle enfin en train de se réveiller ? De prendre une décision d'affaires évidente?

Quand Dove s'est lancé dans sa fameuse campagne en faveur de la diversité des images, la campagne Vraie Beauté, on a vite encensé, moi la première, la grandeur d'âme dont la marque faisait preuve. Enfin, avons-nous tous dit en choeur, une marque qui comprend les affres de l'angoisse de se faire sans cesse projeter des images inatteignables, de se faire rejeter.

Mais dans le fond, l'entreprise avait peut-être tout simplement compris avant les autres - qui semblent le découvrir maintenant - que pour vendre des produits aux femmes à l'ère de l'internet et de la démocratisation de la communication, il faut dialoguer avec elles. Ou du moins les écouter dire ce qu'elles aiment et ce qu'elles sont, ne pas leur imposer des images qu'elles auront tôt fait d'ignorer parce qu'elles ne peuvent tout simplement pas, lucidement, s'y identifier. Et puis qui croit encore à la potion magique?

Pas moi, pas mes amies. Et pas bien des consommatrices.

Mais cela ne veut pas dire qu'on ne veut pas acheter de la crème. On veut juste de la vraie crème qui sente plutôt bon et hydrate bien. Pas trop chimique et pas cancérigène. Et une crème qui nous soit vendue par une entreprise qui ne nous prend pas pour des quiches.

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Ce n'est pas pour rien que Kim Kardashian fait fureur malgré son corps aux antipodes de ceux présentés par les publicitaires, tandis que dès que nos ados voient une photo de Madonna ils crient: «Photoshop!»

Et vous, achèteriez-vous une crème vendue par Renée Zellweger - dont le visage n'est plus le même tellement il a été travaillé médicalement - ou plutôt par Diane Keaton, qui assume totalement son âge et demeure radieuse?

Les consommatrices et consommateurs de tous âges ne sont plus dupes.

Moi, ce que je veux savoir, ce n'est pas quel produit peut me retrancher 10 ans. Il y a longtemps que j'ai cessé de croire aux contes de fées. Ce que je veux savoir, par contre, c'est ce que mange, lit, boit, fait Helen Mirren ou, encore mieux, notre fabuleuse Louise Latraverse, pour être toujours aussi belle, drôle, moderne, à 74 ans.

Selon la grande maquilleuse Bobbi Brown, interviewée récemment, le défi des femmes en 2015 sera d'arrêter d'essayer d'être ce qu'elles ne sont pas. Et non seulement d'accepter leur corps et leur visage: de les embrasser, de chercher à les mettre de l'avant. Jeune ou vieux. Blanc ou noir. Rond ou carré...

Le maquillage peut évidemment beaucoup aider, dit-elle, on ne s'en surprendra pas, mais le défi n'est plus de croire qu'il transformera. Il faut qu'il soit vu comme un sublimateur de ce qui existe déjà.

En contrepartie, Mme Brown croit qu'il ne faut pas minimiser l'importance de l'apparence et son impact sur notre moral. Être convaincue qu'on est belle, quoi qu'on en dise, fera toujours du bien à l'âme.

Un beau programme pour la prochaine année.