Maggie Cole est ma nouvelle héroïne.

Elle a 7 ans. Elle adore les superhéros.

Et quand elle est arrivée dans une grande surface, dans sa ville de Poole dans le Dorset en Angleterre, et qu'elle a vu un réveille-matin à l'effigie de Batman et Spiderman vendu sous l'écriteau «cadeaux amusants pour les garçons», elle a fait une moue terrible, que sa mère a prise en photo.

Vous devinez la suite.

La mère, Karen Cole, a publié la photo sur Twitter et l'image de la petite blonde qui ne trouvait absolument rien d'amusant dans le fait que des jouets de superhéros soient réservés aux garçons a fait le tour du monde.

Et la grande surface, Tesco, a fini par retirer ses affichettes, avouant publiquement que filles et garçons pouvaient très bien tous s'amuser et adorer les superhéros.

Il était temps qu'une fillette fasse la leçon au géant du détail.

Elle n'est pas la seule à en avoir marre que les jouets soient si stéréotypés.

À quelques semaines de Noël, on est déjà en surdose.

Le bleu d'un côté, le rose de l'autre.

Et tout ça va bien plus loin que camions contre poupées.

Vous entrez dans une boutique et les jeux scientifiques sont du bord des garçons. Tout ce qui est artistique - dessin, peinture, etc. - est décliné sur des thèmes dits «féminins». Vous avez une fille qui rêve de devenir médecin ou vétérinaire ou ingénieure ? Bonne chance pour lui trouver un cadeau ailleurs que dans la section dite «des garçons». Votre fils aime la peinture à numéros? Essayez de lui trouver des modèles aussi raffinés que ceux de fées médiévales de votre fille.

Dé-pri-mant.

Et avez-vous aussi entendu parler de l'histoire de Barbie informaticienne totalement tarte?

La semaine dernière, la société Mattel, qui vend les poupées, a été obligée de s'excuser à cause d'un livre destiné aux enfants qui devait raconter l'histoire de sa nouvelle poupée Barbie informaticienne, mais qui en faisait, en réalité, un personnage totalement incompétent, une ingénieure en informatique incapable de développer un jeu vidéo par elle-même. (Chaque fois que Mattel sort une nouvelle poupée dans un nouveau rôle, on raconte son histoire dans un livre. Et, il faut le reconnaître, depuis 20 ans, Mattel a effectivement mis en marché toutes sortes de Barbie non stéréotypées par leurs activités, on s'entend, leurs corps demeurant des corps de Barbie. Mais il y a eu, par exemple, Barbie paléontologue ou Barbie pilote de l'air...)

Bref, Noël et ses jouets nous plongent dans les clichés nuls.

Et le pire, c'est que ça n'a pas toujours été comme ça.

On a reculé.

Quand j'étais enfant, il y a de ça vraiment très longtemps, je jouais avec des Lego. Des Lego qu'on achetait sans modèle. Neutres. Donc on nous donnait juste des blocs de différentes couleurs et de différentes formes et on nous disait: «Vas-y, construis.»

Et on construisait.

Des maisons, des vaisseaux spatiaux, des ponts, des châteaux forts.

Pas de Lego de fruiteries pour les filles ou de Lego de Star Wars pour les garçons.

Moi j'adorais construire des appareils photo. Allez savoir...

Aujourd'hui, les Lego sont très «genrés» et en plus, on sait d'avance ce qu'il faut construire. Bravo la créativité.

Une chercheuse française en sociologie, Mona Zegaï, a épluché les catalogues de jouets distribués avant Noël de 1980 à 2013 et s'est rendu compte que c'est surtout dans les années 90 qu'on s'est plongé dans cette différenciation très nette dans la publicité, entre jouets de garçons et jouets de filles.

Dans les années 70, on était beaucoup plus neutre, comme je vous disais pour les Lego.

Une autre spécialiste française, Astrid Leray, qui conseille les entreprises sur l'égalité, a elle aussi mesuré le contenu des catalogues et en est arrivée à des constats effarants du même ordre. Les jeux de plein air sont des trucs de gars, les filles sont dans la créativité, le transport c'est pour les garçons... Même les images d'enfants utilisées pour les présentations sont hyper genrées: les filles la plupart du temps habillées en rose, avec boucles dans les cheveux pour bien marquer le coup. Les attitudes sont différentes, les filles, plus passives...

Comme parent, il est souvent très difficile de faire face à cette réalité parce que les autres parents, les marchands de jouets, parfois les enfants influencés par leurs pairs peuvent nous entraîner eux-mêmes vers les stéréotypes. Je n'ai jamais acheté ni un fusil ni une Barbie de ma vie à quiconque, mais mes enfants en ont eu en cadeau. On fait quoi dans ce temps-là? On déclare la guerre à nos proches? Cela crée des situations délicates qu'on cherche parfois tout simplement à éviter...

On n'a pas tous la détermination égalitaire des parents qui élèvent leurs enfants en neutralité parfaite. Et puis on ne veut pas que nos enfants se sentent ostracisés. Donc on compose avec la réalité, on enseigne des valeurs égalitaires, on encourage nos enfants dans le bon sens, on leur donne des cadeaux qui leur plaisent, mais qu'on trouve intelligents...

On essaie d'être des parents assez bons.

Et on espère que nos enfants n'auront jamais à se faire expliquer qu'une femme, ça peut coder des jeux vidéo et aimer les superhéros et qu'un gars, ça peut jouer au cuisinier et faire du bricolage, parce que tout ça, ça ira totalement de soi.