Les vélos BIXI de Toronto ont exactement la même allure que ceux de Montréal. Les stations d'ancrage ont le même style. Les bornes interactives fonctionnent de façon semblable. Le prix de location d'un vélo pour la journée est le même, 5$. Les outils informatiques pour repérer un vélo libre et une station où le reporter sont aussi pas mal les mêmes. Allez sur l'internet, on est dans le même univers.

Mais il y a une énorme différence entre les deux villes.

À Toronto, BIXI roule tout l'hiver.

Il n'y a pas d'interruption saisonnière. Même quand il faisait moins vingt degrés, cet hiver, les vélos étaient au poste. Hier, j'ai pu sans difficulté enfourcher une bicyclette, avec mes gants et mon chapeau, pour me balader en ville. Remarquez, ça ne s'est pas passé parfaitement bien, puisqu'à l'une des stations d'ancrage, la borne interactive semblait trouver, justement, qu'il faisait trop froid. Écran gelé. Figé. J'ai dû appeler BIXI Toronto, où une voix enregistrée parlant anglais avec un accent québécois m'a orientée vers une dame qui m'a dit de marcher jusqu'à une autre station...

Ai-je entendu un petit soupir dans son ton?

Peut-être l'ai-je imaginé, sachant que tout le programme BIXI de Toronto est en ce moment un peu paralysé par les déboires de BIXI Montréal, en commençant évidemment par la mise sous la protection de la loi sur la faillite de la société montréalaise qui est derrière le très populaire programme de partage de vélos, notamment son bras de commercialisation internationale, appelé Public Bike Sharing Company (PBSC) en anglais et Société de vélo en libre-service (SVLS) en français.

«On aimerait bien améliorer le service, on veut le développer», m'a expliqué hier Lorne Persiko, le président de la Toronto Parking Authority, dont dépend maintenant BIXI Toronto. «Mais on attend de voir ce qui se passe avec SVLS.»

Tant que le sort de SVLS - qui conçoit les vélos et les logiciels et qui fait tout le travail intellectuel derrière le système de partage des deux roues - ne sera pas fixé, les Torontois ne sauront pas où s'en vont leurs bicyclettes publiques.

Tous les déboires de BIXI sont difficiles à comprendre parce que le programme se partage en différents volets. Pas facile de voir clair dans ce méli-mélo.

Il y a les vélos en métal et en caoutchouc, concrets, et il y a les idées derrière les vélos. Et ce sont des entités différentes qui s'en occupent.

Si vous vous demandez ce qu'est SVLS, c'est la société qui a inventé le BIXI, qui vend le concept à d'autres villes comme Londres ou New York et qui développe les logiciels de gestion. BIXI Toronto, elle, est la société qui gère le programme au quotidien - répare les vélos cassés, déplace les vélos d'une station à l'autre, etc. C'est ce volet de BIXI qui a été racheté par la Ville de Toronto en novembre dernier un peu moins de 4 millions, de même que Montréal a racheté BIXI Montréal, il y a quelques semaines. (Sauf que la Parking Authority a tout de suite délégué la gestion à une autre compagnie, Alta Bikeshare, une société de l'Oregon qui assure de facto l'entretien et le service au quotidien.)

Selon Daniel Egan, qui dirige le département des infrastructures cyclistes et piétonnes à la Ville de Toronto, cela ne veut pas dire que BIXI Toronto ne roule pas. «Ça va bien», a-t-il assuré hier. «La ville a pris possession du programme. Nous avons comme plan à long terme de le développer.» Selon lui, 1000 vélos et 80 stations d'ancrage, ce n'est qu'un début. Et on le constate rapidement quand on se promène un peu en ville. L'offre de vélos n'est pas du tout la même qu'à Montréal. Par exemple, il est impossible d'aller à l'ouest de la rue Ossington ou au nord de Queen, dans un quartier en pleine transformation. C'est un peu comme si, à Montréal, les BIXI s'arrêtaient à Mont-Royal et Saint-Denis.

Cela dit, personne ne peut dire quand cette expansion du programme arrivera.

Tout dépend de l'avenir de SVLS.

J'ai donc posé la question à Dominique Deveaux, qui dirige maintenant la restructuration de l'aventure internationale de BIXI, à partir de Montréal. «Dès le 1er avril, Toronto sera totalement autonome», m'a-t-il assuré. Alta Bikeshare, à qui la Ville a délégué le programme, via la Parking Authority, aura repris entièrement le contrôle des opérations. Montréal n'aura plus rien à voir avec ça. (Il est même question, ai-je lu, que le nom du programme change, si la ville réussit à trouver un commanditaire comme à New York, où on parle de Citi Bikes, ou à Londres, où on parle des Barclays Bikes.)

Pour l'expansion, il faudra toutefois attendre de voir qui reprendra les services naguère offerts par SVLS, aujourd'hui à vendre, et pour laquelle un appel d'offres vient tout juste de se terminer.

Deveaux dit avoir reçu plusieurs propositions. Il est en train de les étudier et en parlera publiquement probablement la semaine prochaine.

À suivre...