Je ne trouve pas que c'est obligatoirement, nécessairement, une mauvaise idée de vouloir interdire le port du foulard islamique dans la fonction publique.

Par contre, je trouve que c'est une très mauvaise idée d'empêcher le Conseil du statut de la femme du Québec de réfléchir indépendamment sur la question.

Je ne suis pas contre la nomination de Leila Lesbet, de Julie Latour, d'Ann Longchamps et de Lucie Martineau comme membres du conseil. J'ai échangé maintes fois avec Mme Lesbet et Me Latour sur la question de la laïcité et du port des signes religieux, et leurs points de vue sont éclairés, recherchés, plus que pertinents. Voire essentiels.

Par contre, je trouve déplacé que le gouvernement les nomme en catimini, sans en avertir l'organisme, comme s'il essayait de cacher ses intentions, comme s'il essayait de piper les dés en sa faveur, ni vu ni connu.

C'est non seulement injuste pour le Conseil du statut de la femme, qui se voit ainsi traité comme un organisme à contrôler, ça l'est aussi pour ces nouvelles conseillères, qui méritaient d'entrer au CSF par la grande porte, sans que leur crédibilité et leurs points de vue - je le répète, importants dans le débat actuel - ne soient embrumés par de basses manoeuvres politiques.

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Quiconque a suivi pendant sa carrière Julie Miville-Dechêne, une amie, sait que l'intégrité de l'ancienne journaliste et ombudsman de Radio-Canada ne peut être remise en question.

Si elle se pose encore des questions au sujet de la Charte et de l'interdiction du port du voile dans la fonction publique, notamment, ce n'est pas parce qu'elle veut faire une jambette au PQ ou plaire aux libéraux qui l'ont nommée. C'est parce qu'elle est viscéralement incapable d'accepter que l'intuition ou les partis pris guident la réponse à la question que nous nous posons tous: est-ce qu'une telle proscription aiderait les femmes musulmanes qui le désirent à s'émanciper ou est-ce que cela nuirait à leur accès au marché du travail?

Ce qu'elle veut, c'est essayer, par de plus amples études, de trouver une réponse à cette interrogation. Personnellement, je doute qu'on puisse y trouver une réponse réellement objective, presque scientifique. Peu importe. Mme Miville-Dechêne veut la liberté de poser la question, de chercher des vérités. Sans avoir à jouer les courroies de transmission du gouvernement. N'est-ce pas essentiellement le but de l'organisme qu'elle préside: scruter indépendamment l'impact concret des politiques gouvernementales sur la vie des femmes?

Je ne trouve pas que c'est obligatoirement, nécessairement, une mauvaise idée de vouloir interdire le port du foulard islamique dans la fonction publique. Mais je trouve que c'est un bien mauvais exemple à donner, dans une province qui prétend mettre de l'avant la laïcité comme protection égalitaire et démocratique, de vouloir contrôler un organisme féministe qui pourrait potentiellement ne pas dire exactement ce que le gouvernement veut entendre. Comment le PQ peut-il d'une main vouloir se débarrasser des relents obscurantistes des religions et, de l'autre, museler une éventuelle critique venue d'un groupe de réflexion de femmes?

Cela s'appelle se tirer dans le pied. Et dans celui de tous ceux et celles qui tiennent à la réflexion égalitaire défendue par la Charte.