Mindy Pollak est une nouvelle venue en politique. Elle se présente sous la bannière de Projet Montréal dans le district Claude-Ryan, à Outremont, pour être élue au conseil d'arrondissement. Elle a 24 ans. Elle est esthéticienne.

Et elle est hassidique.

Je l'ai rencontrée pour le lunch chez Exception 2, un restaurant cachère de Snowdon où elle m'avait donné rendez-vous. Pendant deux heures, on a abordé mille sujets, des perruques au mariage, en passant par les fenêtres givrées du Y de l'avenue du Parc et l'inefficacité municipale. Ce fut fascinant. Et franchement sympathique.

Ce n'est pas la communauté hassidique qui a choisi Mindy pour la représenter sur la scène municipale, c'est elle qui a pris les devants. Elle s'est fait connaître en se liant d'amitié avec une non-juive d'origine palestinienne habitant comme elle rue Hutchison, à Outremont, au coeur de cette communauté hassidique. Ensemble, elles ont fondé Les Amis de la rue Hutchison, un groupe de dialogue visant à créer des ponts. Mindy croit, comme tous les Outremontois de bonne volonté, que ce qui manque dans ce quartier, c'est avant tout de la communication.

Depuis deux ans, Mindy Pollak s'est ainsi engagée dans son quartier, en passant notamment par le comité intercommunautaire d'Outremont. Son visage et sa voix se sont fait connaître. Alexander Norris de Projet Montréal, conseiller du Mile End, l'a remarquée, approchée... Au début de l'été, elle a décidé de se présenter.

« Mon parcours n'est pas typique, ma famille l'accepte », m'explique-t-elle. Mindy n'est pas mariée, même si les femmes de sa communauté le sont souvent à son âge. Elle travaille à temps plein, mais ça, dit-elle, ce n'est pas inhabituel chez les hassidiques, même si les femmes ont souvent des familles très nombreuses dont elles doivent s'occuper d'abord. « Les femmes travaillent, souvent elles sont professeures, commerçantes. Mais avoir des enfants, c'est ce que nous voulons, c'est la continuation de notre communauté. Vous savez, les femmes sont heureuses. »

Mindy espère avoir une famille, et autant d'enfants que Dieu voudra lui en donner - elle a grandi dans une famille de cinq frères et soeurs et trouve que ce n'est ni trop ni trop peu. Mais en attendant, elle travaille comme esthéticienne. Elle a fait un cours chez Edith Serei. Elle travaille depuis quelques années déjà dans ce secteur. « C'est comme ça que j'ai appris le français », explique-t-elle. Elle se maquille, est visiblement coquette, avec ses bijoux colorés, sa tenue soignée. « Ça, ça vient de ma mère », lance la jeune femme.

Mindy, dont la famille est à moitié britannique et dont les ancêtres d'Europe de l'Est sont tous des survivants de l'Holocauste, répond à toutes mes questions avec générosité. J'essaie de comprendre pourquoi les femmes hassidiques portent la perruque. La réponse est à la fois très simple et très complexe. Les femmes mariées doivent dissimuler leurs cheveux dans diverses circonstances. Certaines les rasent. D'autres les camouflent. « Mais nos perruques ont l'air très naturelles, non ? » Les coutumes sont différentes d'une famille à l'autre. Il n'y a pas de règle absolue.

« On parle de nous comme d'une communauté homogène, mais si tu commences à parler avec nous, tu verras que nous sommes tous des individus différents, que nos traditions familiales ne sont pas toutes exactement pareilles. Nous avons aussi tous des idées différentes sur plein de sujets, des rêves différents aussi. »

À Outremont, la communauté juive forme de 20 à 25 % de la population. Le district de Mindy, le plus à l'est, au nord de Laurier, est le plus densément peuplé par la communauté hassidique. Les accrochages au sujet de la rénovation d'une synagogue ou les fenêtres du Y se sont passés en général dans ce coin-là.

Mindy a commencé à faire un peu de porte en porte pour rencontrer les électeurs, et l'expérience se passe plutôt bien jusqu'à présent. Seul un résidant lui a tenu des propos désagréables.

« On s'entend bien sur beaucoup de sujets », dit-elle. Elle a adoré, par exemple, qu'un de ses voisins non juifs organise l'occupation d'un parc entre Hutchison et Durocher. Un parc que la Ville a fermé pour rénovation, mais dont la réouverture se fait impatiemment attendre. « Les nouvelles générations sont différentes, explique-t-elle. Nous sommes plus attentifs à l'extérieur. »

Le cliché des voisins juifs et non juifs qui se côtoient sans jamais se parler bat de l'aile.

Reste que des différences demeurent. Mindy était pour les vitres opaques du Y. La question n'était pas aussi tranchée qu'on l'a dit, affirme-t-elle. « Est-ce vraiment tout le monde qui a envie qu'on le voie de la rue en train de s'entraîner ? »

Durant la campagne municipale, Mindy parlera d'espaces verts, de jardins communautaires, d'entretien des parcs, de transparence dans la gestion municipale, d'amélioration du service de transport en commun, de la nécessité de tenir davantage de consultations publiques.

Mais surtout, surtout, elle parlera à tout le monde, répondra aux questions et expliquera ce qu'est la communauté hassidique, ce qu'elle souhaite, et comment, pour bien des questions, son Montréal de rêve, moins stressé que New York, plus cool qu'Israël, ressemble à celui de bien d'autres Montréalais.