Saviez-vous qu'aux États-Unis, on estime que chaque année, en moyenne, 400 personnes meurent à cause de la chaleur? Et que 6200 sont hospitalisées à cause de températures trop élevées pour leur santé?

Âmes transpirantes, épuisées, exaspérées, perlées de sueur à chaque petit doigt levé, nous avons des arguments pour étayer nos soupirs. Le trop chaud est bel et bien carrément dangereux. Surtout pour les personnes déjà affaiblies par l'âge ou la maladie. Mais même hier, tiens, une de mes amies trentenaires en pleine forme s'est retrouvée à l'hôpital. Virus. Rien de trop grave. Mais disons que la chaleur n'a pas exactement aidé....

On a tous déjà entendu parler des dangers que présentent les très grandes chaleurs pour la santé. Mais parfois, on oublie à quel point ce n'est pas du caprice, mais bien une réalité. Pourtant, vous vous rappelez l'horrible année 2003 en Europe où 70 000 personnes sont mortes à cause de la canicule interminable qui s'était emparée du continent cet été-là. Ou les 700 morts à Chicago en une seule semaine en 1995 à cause d'une canicule, une des pires de l'histoire américaine.

La chaleur tue. Difficile à croire quand on vit dans ce pays frigorifique pendant une si grande partie de l'année, mais c'est vrai.

Ce n'est pas une raison pour se lancer tous dans l'achat de climatiseurs.

Pour certaines personnes, la fraîcheur salutaire qu'ils apportent est essentielle.

Sauf que la climatisation dépense une énergie folle. Aux États-Unis, on consomme plus d'électricité pour se refroidir que dans l'Afrique en entier pour tout. Et de plus, dans les villes très denses comme New York ou Singapour, ou dans les quartiers centraux de villes plus petites comme Montréal mais particulièrement bétonnés et cimentés et peu verts, la climatisation fait partie du cercle vicieux alimentant les îlots de chaleur urbains. En sortant l'air chaud des intérieurs, les machines augmentent la température de l'air extérieur. Ridicule quand on parle d'un seul appareil. Problème lorsqu'on parle d'immenses immeubles à réfrigérer dans des univers urbains condensés.

Dans ce pays où l'on gèle pendant tant de mois, on ne pense souvent aux méfaits de la canicule qu'une fois juillet arrivé. Le reste du temps, on cherche le soleil, sa chaleur, sa lumière. On ne veut pas d'ombre sur la terrasse ou le balcon, on veut chaque lux, chaque degré que ses rayons nous apportent. On veut avoir chaud.

Dans les quartiers moins cossus de la ville, l'absence d'ombre est souvent liée à la densité de la construction. Les terrains sont petits, les appartements, tassés. Mais cette aversion pour l'ombre est aussi observable dans les nouvelles banlieues. Parfois bien à l'aise. Souvent, dans les nouveaux quartiers résidentiels, il n'y a aucun arbre le long des rues. Même pas un jeune bouleau ou un érable encore tout petit. Rien. Comme si les rues chauves étaient plus nettes, mieux rangées. Comme si la verdure avait quelque chose de désordonné. Vous vous rappelez d'ailleurs, à pareille date l'an dernier, la mairie de Drummondville qui voulait interdire un potager en façade parce que c'était, justement, un peu trop fouillis, toutes ces plantes luxuriantes. Une chance que, depuis, le règlement a été changé.

La fraîcheur, apparemment, va de pair avec une conception relax de la ville, pas nécessairement chaotique mais naturellement fluctuante.

Si on veut rafraîchir Montréal l'été, c'est toute notre conception de la ville qui doit être aérée. On a besoin de fraîcheur moussue, verte, voire un peu boueuse. Faites le test en allant marcher sur l'avenue des Pins. Entre le trottoir, près de Peel, et quelques dizaines de mètres plus loin, le chemin Olmsted - qu'on rejoint après quelques marches - il doit y avoir cinq degrés de différence. Peut-être plus. Le sol de terre. Les arbres. La fraîcheur dégagée par les plantes...

La fraîcheur est organique.

Ce serait intéressant d'entendre les candidats à la mairie à ce sujet. Car la ville a besoin de mesures concrètes pour encourager les propriétaires et les constructeurs et tout le monde à planter, à dé-cimenter. On a besoin d'aide fiscale pour l'installation des toits verts. Pour arracher le béton et l'asphalte de nos entrées de garage et remplacer le tout par des surfaces poreuses qui absorbent l'eau et restent fraîches. On a besoin de planter des arbres et des plantes même dans les petits bouts de terrain minuscules qui se cachent à tous les détours. On a besoin de corvées pour verdir les quartiers les plus chauves. On a besoin d'expliquer aux propriétaires comment faire pousser de la vigne sur leurs murs et que, non, ça n'endommage pas les surfaces. On a besoin de verdir les bords de rues, les terre-pleins, les ruelles, évidemment. On a besoin de mettre en place des mesures qui facilitent l'accès aux parcs aux personnes à mobilité réduite, notamment le mont Royal.

On a besoin d'embrasser l'idée d'une ville moins parking, moins béton, moins nickel. Et un peu plus jungle.