Je ne suis pas membre du 357c.

J'y suis déjà allée deux fois, assez pour vous affirmer que c'est une des meilleures tables en ville, où l'on prépare une cuisine raffinée, moderne, avec une carte de desserts spectaculaire.

En fait, je ne suis membre d'aucun club, mais je suis déjà allée à un mariage à l'University Club, rue Mansfield, il y a belle lurette, et à un autre au défunt Mount Stephen, rue Drummond. Chaque fois, même cuisine ordinaire, mais même décor extraordinaire avec bois opulent omniprésent, vitraux et atmosphère hyper rétro évoquant le Canada des colonies ou même vaguement des scènes de la série culte Downton Abbey. Il n'y a pas de châteaux ici, mais il y a ces somptueuses demeures du Golden Square Mile, au centre-ville, où sont installées ces institutions d'une autre époque.

Je ne suis pas membre d'un club privé, ni d'un club de golf, un concept qui ressemble grandement au premier. On se choisit mutuellement, on paie d'importants droits d'entrée. On repaie ensuite chaque mois, en ne laissant jamais les invités prendre l'addition, évidemment.

Je ne suis pas membre d'un club à la campagne non plus, comme l'Hermitage, à Magog, ou celui de North Hatley, fondé en 1897, où repas à la belle étoile et sports de balle ou lacustres sont au menu d'un membership hyper-exclusif.

Je ne suis pas membre non plus d'un club de tennis, même si je l'ai déjà été pendant deux ans. Je prie ceux qui connaissent ma nullité dans ce sport d'arrêter de rire dès maintenant. J'aimais l'idée d'essayer. Mon rêve s'est dégonflé. En plus, c'était inabordable, et le restaurant n'était pas très bon. Et il y avait des tas de règles d'étiquette que je n'ai jamais su intégrer, en commençant par celle voulant qu'il faille débarrasser les courts pour les hommes à midi - ceux-ci étant jugés moins flexibles côté horaire, donc prioritaires.

Oui, mesdames et messieurs, dans mon club, à la fin des années 90, les choses fonctionnaient ainsi. J'imagine que ce n'est plus le cas, même si un club - du moins les traditionnels, les anciens datant des années 1800 -, c'est un peu un vase clos où le modernisme prend parfois un peu plus de temps à entrer qu'ailleurs.

Est-ce étonnant qu'il en reste de moins en moins?

Le club Saint-Denis est maintenant fermé. Le club Mount Stephen aussi.

Difficile d'être un club en 2012 quand le concept même du lieu est la consécration institutionnelle de ce qu'on dit à nos enfants de ne pas faire dans la cour d'école. Jouez avec tout le monde. Ne rejetez personne. Ne créez pas de cliques ni de clans.

Un club, c'est un club. Et le 357c, dont on a beaucoup parlé dans la foulée de la commission Charbonneau, n'y échappe pas.

Mais un club, c'est aussi un lieu utile quand on a beaucoup d'argent, d'obligations et de besoins de réseautage d'affaires. C'est un lieu pour tenir des réunions, pour manger dans une atmosphère feutrée, concept rare en ces temps de restauration glorifiant le style «brasserie avec rumeur de fond sur les stéroïdes». C'est un lieu où les riches de ce monde peuvent se retirer des foules. Un club, ce n'est pas tant un lieu de socialisation glamour qu'une série de salons où on se croise sans toujours trop se croiser. Volontairement.

On peut trouver l'élitisme de ces lieux déconcertant, voire dégoûtant, mais ce n'est pas illégal. Et si on comprend les vedettes de vouloir parfois se mettre à l'écart pour ne pas être assaillies par leurs admirateurs, on peut comprendre les gens d'affaires qui en brassent très large de vouloir parfois aller manger dans des lieux où ils ont les coudées franches et trouvent le confort de la discrétion.

Cet état d'esprit n'est peut-être pas élégant, vu du plancher des vaches, et ce besoin d'être à l'écart n'est peut-être pas inspirant pour des jeunes entrepreneurs qui désirent faire des affaires en construisant une image de marque inclusive, mais ce n'est pas interdit.

Que la commission Charbonneau ait permis la divulgation des noms de gens ayant fréquenté le club fondé par Daniel Langlois et qu'on s'en soit ainsi emparé a quelque chose de la chasse aux sorcières et du voyeurisme.

On peut dire tout ce qu'on veut sur les clubs. Mais que leurs membres et leurs invités ne puissent pas y aller l'esprit en paix, sans avoir peur qu'on les retrouve et qu'on leur remette cela dans l'assiette, comme si c'était mal, est totalement inacceptable.

Notre indignation devant Big Brother aurait-elle une exemption financière? Avez-vous envie, vous, qu'on sache où vous mangez au restaurant et avec qui?

En parlant de restaurants... Hier, une centaine de chefs, serveurs et autres travailleurs issus du monde de la restauration se sont réunis en face de la Place des Arts pour protester contre la taxe rétroactive sur l'alcool imposée dans le dernier budget par le gouvernement Marois.

Imaginez. Vous achetez une bouteille, vous la mettez dans votre cave et, soudainement, le gouvernement vous appelle.

«Pardon, c'est Québec, tu sais, la bouteille dans ton sous-sol, faut que tu repaies la taxe, on l'a augmentée.

- Oui, mais elle est à moi, non? Je l'ai déjà payée.

- Oui, mais non, faut que tu repaies...»

Si je recevais un appel comme ça, moi aussi, je serais dans la rue. Faut pas rire du monde. Et surtout pas des restaurateurs qui ont des marges de profit de 3,2%...