Que pouvait bien chercher Chantal Lavigne pour accepter de se faire envelopper ainsi pendant des heures et des heures dans de la boue, des couvertures et du plastique? Que pensait-elle trouver dans ce séminaire de sudation halluciné, dans cette cruelle foutaise?

Qu'est-ce qui peut faire assez mal à l'âme pour qu'on laisse ainsi tomber tout sens critique? Pour que, devant une recette aussi baroque pour le bonheur, on ne commence pas à se poser quelques questions de base, simples, sur la douleur, sur le malaise...

Est-ce parce qu'on a payé une fortune pour se retrouver là et qu'on n'ose plus faire face à soi-même?

Je ne sais pas si les trois personnes accusées de négligence criminelle seront un jour condamnées pour la mort de cette jeune mère de famille. Mais le simple fait que la police ait finalement porté des accusations, un an après sa mort, est une sacrée bonne nouvelle.

Il faut que les charlatans aient peur.

On ne pourra jamais les faire disparaître. Ils existent depuis toujours. Leur présence sillonne l'Histoire, du temps des saignées au Far West jusqu'à aujourd'hui, là, à deux pas de chez nous. On ne pourra jamais les éradiquer, mais on peut les surveiller de près, les tenir responsables de leurs méfaits, les talonner, les interroger. Il faut briser le silence, aussi. Le silence honteux de ceux qui se sont fait prendre et savent bien, malgré le désespoir qui les a menés chez cet irrigateur de côlon ou vers ce verre de potion «détoxifiante» bidon, qu'ils ne s'en vont nulle part.

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On ne peut pas mettre toutes les approches alternatives dans le même paquet. J'en conviens. Il y a l'acupuncture, par exemple, et l'ostéopathie, et aussi l'homéopathie, à la limite, même si j'attends encore d'être convaincue. Et puis, je suis la première à dire que la médecine n'a pas le monopole du bon sens, une réalité particulièrement claire dans le monde de l'accouchement.

Mais mis à part tout ça, il reste un océan hallucinant de bêtise et de tromperie visant directement à exploiter la crédulité du public. Un vaste monde flou dont on ne connaît que certaines excroissances, qui prennent ici la forme d'une émission sur le paranormal et là celle d'un collier de bois de noisetier.

Sauf que les colliers ne font mourir personne. Ni regarder des âneries à la télé.

Lorsque les médecines douces commencent à déraper dur et à tuer des gens, on ne rit plus. Et cette «taxe à la bêtise» que sont les frais faramineux imposés aux crédules n'a soudainement plus la même allure.

C'est là que la police doit intervenir. Et Dieu merci, pour Mme Lavigne, elle a pris le dossier au sérieux.

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Certains diront que la médecine sérieuse tue aussi. Que Micheline Charest, par exemple, cette femme d'affaires controversée, est morte en cherchant à sa façon le bonheur de l'âme par une opération esthétique extrême qui a mal tourné.

Est-ce plus acceptable de faire partie des dérapages de la médecine officielle que de ceux de thérapeutes douteux?

Non, quand on est mort, on est mort. Et les enfants de ces femmes, ailleurs dans le monde, disparues parce qu'elles se sont fait poser de fausses fesses ou drainer les cuisses, sont aussi orphelins que ceux de Chantal Lavigne.

Sauf que Mme Lavigne n'est pas morte parce que la loi des probabilités a décidé de lui faire gagner une sordide loto chirurgicale.

Elle est morte parce qu'il y en a qui pensent sérieusement trouver quelque chose de mieux pour leur âme, pour leur vie, quelque chose qu'ils n'ont pas, là, sous la boue, le plastique et les couvertures, pendant des heures et des heures de temps. «Mais quoi au juste?», hurlerais-je à Mme Lavigne, si elle était encore là.