Mon voisin d'en face, au bureau, aime bien me rappeler à quel point je vous enquiquine - lui le premier - avec mes propos sur les poissons et fruits de mer écologiquement corrects ou pas, propos qui ont apparemment grandement compliqué vos visites à la poissonnerie.

Malheureusement, me revoilà avec un autre sujet du même type, qui frappe au coeur du quotidien.

Cette fois, ce sont de vos achats de shampooings que j'entends parler. Et peut-être aussi de bains moussants. Oui, dans ce secteur-là aussi du supermarché, entre le dentifrice et les mouchoirs en papier, il faut s'arrêter et commencer à se poser des questions.

Ce n'est pas parce qu'on est en vacances estivales qu'on doit se laver avec du 1,4 dioxane.

Des tas de produits d'hygiène industriels et cosmétiques sont fabriqués avec des ingrédients chimiques montrés du doigt par les environnementalistes: parabènes, BHT, phtalates... Certains sont cancérigènes, d'autres perturbent nos systèmes endocriniens, d'autres encore peuvent se faufiler dans l'environnement et déranger poissons et plantes. Il y a aussi ceux qui déclenchent des réactions allergiques.

Et puis, avez-vous envie qu'il y ait de l'oxyde d'éthylène sur votre brosse à dents? Ou mieux, de l'imidazolidinylurée?

Voilà maintenant de nombreuses années qu'on parle de cette réalité. Mais comme avec le poisson, il y a un pas de géant à faire entre la lecture d'un article qui nous éveille à un problème écologique et nos choix rendus au supermarché. On veut bien que le saumon d'élevage soit une source de pollution terrible pour la mer, mais quand vient le temps de payer le prix du poisson sauvage, c'est une autre paire de manches. De la même façon, on peut tous être horrifiés d'apprendre qu'il y a des libérateurs de formaldéhyde dans certains produits cosmétiques. Mais comment changer du jour au lendemain tout le contenu de l'armoire de la salle de bains? Nos shampooings préférés, nos savons mousses, nos crèmes hydratantes... Lesquels sont tout à fait corrects, lesquels pas?

Et leurs remplaçants, marcheront-ils aussi bien? Qu'est-ce qui nous dit qu'ils sont réellement meilleurs pour notre santé et celle de l'environnement? Valent-ils vraiment leur prix beaucoup plus élevé que celui des produits industriels de la section aubaines chez Jean Coutu?

Souvent notre réponse à ces questions est simple: on regarde ailleurs, espérant oublier que ces interrogations existent.

Une entreprise québécoise, Bio Spectra, dont on connaît surtout la marque Attitude lancée autour de produits de nettoyage, a fait beaucoup parler d'elle récemment au Canada mais surtout aux États-Unis, en lançant une gamme de produits qui a la grande qualité de plonger dans le vif du sujet.

«Sans cancérigènes», disent les emballages.

Le mot est là sur le flacon, en toutes lettres. Can-cé-ri-gènes.

Même le New York Times en a parlé tellement l'affirmation surprend et réveille.

Pour ce simple geste, la marque Attitude a été saluée par l'Environmental Working Group (EWG), un des principaux organismes environnementaux américains voués à la protection de la santé humaine par la lutte contre la pollution. «Nous applaudissons la volonté de cette marque d'attirer l'attention sur ce sujet. C'est une première étape qui mérite d'être saluée», m'a dit Leeann Brown, porte-parole, quand je l'ai jointe la semaine dernière.

Voilà qui n'est pas rien.

Installé à Washington, l'EWG essaie de sensibiliser le gouvernement américain et la population à la pollution environnementale et à ses effets sur la santé. Le groupe a notamment bâti une base de données (ewg.org/skindeep), facilement consultable sur l'internet, où on peut aller voir l'analyse que ses experts font de 74 000 produits personnels - savons, maquillage, fixatifs... Tout y passe. On entre le nom du produit avec la marque et les détails et on voit ensuite une note sur les dangers posés par le rouge à lèvres ou le fond de teint en question.

Si on entre le mot Attitude, on aperçoit que le score du shampooing pour bébé est de 2 sur une échelle de 1 à 10 où 1 signifie qu'un produit pose un danger très faible alors que 10 est le niveau le plus élevé.

Les produits Attitude ne sont pas parfaits, note Mme Brown. Ils pourraient être encore plus transparents, en nommant les ingrédients de leurs «parfums». Mais la marque fait réellement des efforts qui doivent être soulignés, répète la porte-parole du groupe environnemental. Surtout que leur certification écologique est assurée par Ecologo, un des organismes les plus sérieux dans le domaine.

***

L'affirmation «sans cancérigènes» est une affirmation audacieuse que Jean-François Bernier, entrepreneur derrière la marque Attitude, assume entièrement. «Nous, on suit l'Agence internationale pour la recherche sur le cancer, dit-il. Et dès qu'un ingrédient fait partie de leur liste, on garantit qu'il n'y en aura pas.» Le produit pourrait donc évoluer, note celui qui a présenté ce projet dans le cadre de son programme de perfectionnement en affaires OPM à Harvard et qui a été choisi «meilleure innovation de 2012».

En outre, Bernier assure que ses «parfums» sont sans agents cancérigènes. «Ça sert souvent de paravent. On le sait. Nous, on utilise des fragrances naturelles», assure-t-il.

«Notre pari est risqué, admet l'homme d'affaires. Mais c'est là qu'on veut aller.»

Et c'est là qu'on devrait tous aller.