Qui, selon vous, est la plus tendance? Coeur de pirate ou Céline Dion?

La super tatouée enceinte à 22 ans ou celle qui a eu ses jumeaux à 42 ans?

L'Institut de la statistique du Québec nous a appris cette semaine, à partir de toutes nouvelles données de 2011 - tellement neuves que l'Institut les qualifie encore de «provisoires» -, que l'âge moyen des mères qui accouchent dans la province est passé pour la première fois depuis quelques décennies au-dessus de la barre des 30 ans.

La maman typique a exactement 30,04 ans. Et elle en avait 28,3 à son premier bébé, soit deux ans de plus que la mère primipare de 1994.

Et si cette maman décrite par les statistiques se fait des amies au parc, avec bébé et poussette, elle a plus de chances que celles-ci soient dans la fin de la trentaine - entre 35 et 39 ans - qu'au début de la vingtaine. Pour la première fois au Québec, les femmes de 35 à 39 ans ont un taux de fécondité supérieur à celles de 20 à 24 ans.

En outre, si les grossesses adolescentes - où la mère a de 15 à 19 ans - continuent d'intéresser les sociologues et pédiatres, il n'y a pas de quoi y voir un problème de société alarmant comme chez nos voisins du Sud. Le taux au Québec est de 9 naissances sur 1000, alors qu'il est de 34 sur 1000 aux États-Unis.

En fait, il y a maintenant, au Québec, plus de grossesses quarantenaires que de grossesses adolescentes. Ce n'est pas le film Juno qui nous parle de la réalité, mais plutôt Maman Last Call ou Friends with Kids, ce film à l'affiche actuellement où une adulte talonnée par l'horloge biologique décide d'avoir un enfant avec son meilleur ami plutôt que d'attendre trop longtemps l'âme soeur et une vie romantique post-bébé qu'elle croit vouée à l'échec de toute façon.

Un peu plus et on va bientôt nous lancer des promos: achetez un landau et obtenez des lunettes de lecture à moitié prix!

Avoir un enfant à 40 ans n'a pas toujours été une anomalie.

Dans les années 50, par exemple, sur 1000 bébés, 40 avaient une mère de 40 ans et plus.

Mais ce n'était pas des premiers ou des deuxièmes bébés. C'était les cinquièmes, septièmes, à la Santorum (l'ex-candidat à l'investiture républicaine américaine, très religieux, a sept enfants, dont une petite fille de 3 ans née alors que sa femme avait 48 ans)...

C'est dans les années 70 que l'âge moyen des mères a commencé à baisser, non pas parce qu'elles voulaient des enfants plus jeunes, mais plutôt parce que, grâce à la contraception et aux transformations sociales - plus d'égalité et moins de curés -, elles n'ont plus été obligées d'en avoir autant et donc de continuer à procréer.

Clore la famille à 30 ou 35 ans, après 3 ou 4 bébés et non 14, était enfin devenu une option.

Ainsi, dans les années 80, les mères quarantenaires sont devenues des exceptions. Seulement 2 naissances sur 1000 au Québec. Aujourd'hui, on a remonté et on en compte 10 pour 1000 naissances, mais c'est toujours quatre fois moins que dans les années 50.

Attendre la trentaine et même la quarantaine pour avoir un bébé a ses désavantages. Malgré tous les progrès de la médecine, la réalité biologique demeure implacable: plus on laisse les années filer, moins il est statistiquement facile de concevoir et plus il y a probabilité mathématique de risques pour la santé du foetus. Et réussir à porter un bébé à 51 ans, comme la photographe américaine Annie Leibovitz, demeure un exploit d'une grande rareté, peu importe ce que peut laisser croire la grande médiatisation de telles grossesses tardives.

Cela dit, les changements que nous rapporte l'Institut de la statistique sont une bonne nouvelle pour les femmes. Si elles attendent pour avoir leur bébé, c'est peut-être parce qu'elles ont de la difficulté à trouver le père-compagnon idéal jusque dans la trentaine, phénomène que la culture populaire aime documenter abondamment en y ajoutant toujours l'ingrédient «panique de l'horloge biologique». Mais peut-être attendent-elles aussi parce qu'elles prennent d'abord le temps d'étudier, de trouver un emploi et d'établir leur indépendance financière.

Avant de commencer à s'inquiéter des frais éventuels de services de fertilité pour mères quarantenaires, ce ne serait pas une mauvaise idée de commencer par se réjouir d'une apparente dissolution du phénomène si typique il y a 20 ans selon lequel le portrait de l'égalité entre les sexes était plombé par la pauvreté des jeunes mères seules. Aujourd'hui, ces femmes ne sont pas devenues richissimes, mais selon l'économiste Pierre Fortin, qui a chiffré dans plusieurs études (dont une publiée cette semaine) la rentabilité du programme de garderies à 7$, le pouvoir d'achat des chefs de famille monoparentale a augmenté de 30% entre 1998 et 2008, soit dans la foulée des CPE.

Bébés plus tard, études, emploi, accès aux garderies, couples plus stables, peut-être...

Pas une mauvaise chose.