Mai 1992. Nous sommes en Corse, à la demi-finale de la Coupe de France de football. Une tribune provisoire dans le stade Armand-Cesari s'écroule. Bilan: 18 morts et 2857 blessés.

Le 2 janvier 2006, le toit d'une patinoire au centre de la ville de Bad Reichenhall, en Allemagne, s'effondre. Bilan: 15 morts, dont 12 enfants...

Août 2008, à Saint-Orens, près de Toulouse, en France encore, le parking en construction d'un centre commercial tombe sur lui-même, plusieurs étages s'empilant les uns sur les autres. Bilan: un mort.

Août 2011, Indianapolis. Une scène où devait avoir lieu un spectacle de musique country s'effondre sur les spectateurs: cinq morts.

À Astrakhan, dans le sud de la Russie, pas plus tard que la semaine dernière, un immeuble s'effondre à la suite d'une explosion de gaz: six morts.

Je pourrais continuer cette sombre liste longtemps. Elle ne fait que survoler les grands événements tragiques du monde de la construction. Il y a aussi les plus petits, comme celui de ce parking souterrain de Mantes-la-Jolie, en banlieue de Paris, qui s'est totalement effondré en novembre dernier, ne blessant personne, mais montrant bien qu'aucune société ne semble à l'abri de ces constructions imparfaites.

Des scènes, des plafonds qui s'écroulent, des stades qui s'émiettent un peu ou beaucoup, il y en a partout. En Europe, en Afrique (12 morts en Zambie en 2007 à la suite de l'effondrement d'un escalier dans un stade), en Amérique du Sud (à Salvador, au Brésil, 7 personnes sont mortes quand une tribune d'un stade s'est écroulée). Aux États-Unis aussi.

Ici, quand on pense aux viaducs de Laval, au tunnel Ville-Marie ou au piètre état de l'échangeur Turcot, sans parler du pont Champlain, on a l'impression que tout est en train de s'écrouler ou de poser une menace.

Mais quand on regarde ailleurs, on voit bien que notre bilan n'est quand même pas si mauvais.

Évidemment, les cinq morts causées par l'effondrement du viaduc de la Concorde sont 100% de trop. Même chose pour la victime de l'écroulement du viaduc du Souvenir, sur l'autoroute 15.

Et peut-être est-ce seulement la chance qui nous a permis de traverser la tombée du paralume de Ville-Marie, l'été dernier, sans une égratignure et de nous sortir tout aussi intacts de l'effondrement de la poutre, hier, dans le parking souterrain du Stade olympique.

Mais doit-on tous devenir phobiques, fuyant à vive allure les ponts, les stationnements souterrains, les constructions en hauteur? Et même les terrasses: vous vous rappelez la dame tuée par une dalle tombée d'un immeuble à l'été 2009 à Montréal?

Doit-on se mettre à penser frénétiquement «reconstruction, reconstruction!» dès qu'on voit du béton?

Non.

Il y a actuellement, au Québec, des structures qui n'ont pas la solidité qu'on aimerait.

L'événement d'hier au Stade nous le rappelle douloureusement.

Il y a sûrement aussi des efforts de surveillance étroite et d'évaluation méticuleuse à redoubler.

Mais y a-t-il de bonnes raisons de vouloir déménager dans un pays où rien ne s'écroule? Où personne ne bâcle jamais le travail de construction et d'entretien comme on soupçonne que ce fut le cas trop souvent ici?

Un tel pays n'existe pas.

En France, les cathédrales tiennent le coup depuis des siècles et des siècles, mais cela n'empêche pas une tribune de stade de tomber et de faire 18 morts et des milliers de blessés. L'Allemagne, pays emblématique quand vient le temps de parler fiabilité, solidité, précision... a quand même vu 15 personnes perdre la vie quand est tombé le toit d'une de ses patinoires.

C'est énorme.

Est-ce que tout va bien ici? Répondons que ça ne va pas si mal que ça. Rien n'est tout noir ni tout blanc non plus. Allons dans les tons de gris. Un gris ciment, certes. Mais pas aussi sombre qu'on pourrait le croire.