Quand le budget d'un projet public se met à enfler et à enfler, il est normal qu'on veuille renverser la vapeur. Pas besoin d'être assez vieux et donc totalement traumatisé par l'explosion des coûts du Stade olympique dans les années 70 pour comprendre ça.

En ce sens, il n'est pas totalement fou que Québec soit intervenu cette semaine pour remettre le projet de train de l'Est sur les rails (désolée pour le jeu de mots) en coupant dans les dépenses, qui sont passées de 300 à 671 millions de dollars.

Peut-être que lorsque tout sera terminé et que des milliers de gens prendront le train et qu'on sera tous contents qu'il y ait une liaison ferroviaire vers Repentigny, Mascouche et compagnie, on oubliera les mauvais moments du projet. Un peu comme comme lorsque, en voyant l'immense popularité de ce métro, on a oublié à quel point la construction des stations de Laval a été pénible et remplie de moments de hochements de tête et de soupirs.

Mais pour le moment, difficile d'imaginer pire gâchis. Et pire gâchis démoralisant à un moment charnière où l'enthousiasme pour le transport collectif prend son envol.

Peu importe l'angle par lequel on regarde le dossier, ce qu'on aperçoit est décourageant.

D'un côté, il y a Québec qui blâme l'Agence métropolitaine de transport pour le dépassement des coûts alors que le gouvernement provincial chapeaute lui-même l'organisme. Ici, on pourrait même dire carrément déprimant, comme à chaque fois que les autorités publiques pellettent leurs responsabilités dans la cour du voisin ou de plus petit qu'eux.

Ensuite, si on regarde encore vers Québec, on aperçoit le gouvernement qui joue les polices financières, mais qui se dévoile aussi comme un gros éteignoir devant les transports collectifs. Si la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, croit sincèrement à l'importance des investissements publics dans les moyens de transport durables, qu'elle nous le dise, parce que, pour le moment, ce n'est pas exactement l'impression que dégage cette ministre élue à Laval, et voilà qui est pour le moins consternant.

Est-ce que la réaction politique au désastre du jour nous a remonté le moral? Pas du tout. Si on regarde le fiasco de cet angle-là, on surprend le Parti québécois en train de faire ses choux gras du chaos annoncé, en blâmant les ministres du parti au pouvoir qui se sont succédé au dossier. De bonne guerre, dites-vous? Certes, mais prévisible à souhait. Blâmer celui qui a fait le dégât n'aide personne à le réparer, parlez-en dans n'importe quelle garderie.

À Montréal, le maire Gérald Tremblay s'est dit heureux de voir le projet continuer malgré les cafouillages financiers. Bel optimisme. Pourtant, Québec venait de lancer à la communauté métropolitaine un message sans équivoque: vous ne savez pas gérer vos dossiers et nous, à côté de la Grande-Allée, on sait comment.

De l'autre côté, Richard Bergeron, de l'opposition, s'est énervé en disant que, par ce projet, priorité est donnée au développement des banlieues. Ce point de vue n'est pas inintéressant. Il est vrai qu'une réflexion s'impose et que l'île de Montréal, si on veut qu'elle se densifie, a besoin de projets de transport en commun elle aussi. Mais parfois le mieux est l'ennemi du bien...

Toute cette zone de banlieue nord-est, dont de très nombreux développements immobiliers datent des 20 dernières années, ne disparaîtra pas et ne se dépeuplera pas de ses résidants automobilistes travaillant en ville, demain matin. Ne vaut-il pas mieux que cette couronne ait accès à un train plutôt qu'à rien du tout?

Et puis, dernier angle, mais non le moindre, il y a l'Agence métropolitaine de transport qui a laissé les coûts du projet enfler alors que la province au complet est atteinte de scepticisme aigu dès qu'il est question d'argent et de construction publique.

Comment a-t-elle pu non seulement laisser le projet déraper autant, mais surtout prendre le risque de miner la crédibilité de la notion même d'investissement public en transport durable.

Car, parfois, faire bien les choses coûte cher.

Le projet de gare sous le mont Royal? Excellent projet, mais bonjour la facture.

Train léger vers la Rive-Sud? Ça ne sera pas donné, mais il faut plus de transport en commun vers l'ouest de la Rive-Sud.

Prolongement du métro. Augmentation des services (fréquences des bus et des wagons). Rien de cela n'est gratuit, mais tout cela est nécessaire. Et il faut vendre ces projets au public et aux politiques avec leur note élevée.

À chaque fois qu'on ne tient pas un projet en laisse de façon serrée, c'est toute la crédibilité du développement durable qui est mise en jeu, exposée.

Et puis, qui a envie, après l'annonce de l'annulation de la nouvelle gare de Charlemagne, de rêver d'un avenir en banlieue façonné par le transport en commun?

Et encore à tous, bravo.