Je reviens de Toronto. Et savez-vous, entre la tour du CN et la foire d'art contemporain, ce que j'ai vraiment adoré de ce séjour citadin ontarien: pouvoir mettre mes déchets organiques au compostage. Et je ne vous parle même pas de mon admiration pour leurs quatre types de poubelles.

Je sais, je sais. J'ai des goûts bizarres. Mais mis à part étendre des vêtements sur une corde à linge ou contempler mes pots de confiture, bien alignés quand je viens de les terminer, il n'y a pas grand-chose que j'aime plus, côté vie domestique, que mettre les déchets au bon endroit.

Demandez à ma famille, on vous le confirmera : Ti-Mé, alias Popa, dans La petite vie, c'est un peu moi. J'analyse le contenu des poubelles pour semoncer les non-recycleurs. Je discute ordures quand je voyage, je compare... Et il m'est même arrivé, je l'avoue, de mettre une poubelle sur ma liste de suggestions pour le père Noël : la Vipp, magnifique, mais hors de prix.

Bref, je n'attends pas devant chez moi la benne à ordures, fascinée comme les gamins. Mais ce que j'attends depuis des années, assise devant mon fil de presse, c'est la décision de la Ville de Montréal d'emboîter le pas à Toronto et à des dizaines d'autres communautés sensées, qui récoltent les déchets organiques putrescibles pour réutiliser cette ressource.

Car Montréal est pratiquement néandertalien en matière de poubelles. Il n'y a pas de limite aux quantités de déchets que l'on peut produire ni de mesures d'incitation fiscale à moins jeter. On cherche très souvent, en vain, en ville, les poubelles publiques à matières recyclables. Et mis à part quelques communautés - Côte-Saint-Luc, Westmount et certaines zones du Plateau entre autres - on n'a pas de collecte de matière organique municipale pour nos 40% de déchets putrescibles, ce qui laisse comme seule option la boîte personnelle de compost dans le jardin, ce que j'ai essayé, mais sans grand succès et merci encore aux ratons laveurs qui ont tout gâché.

Mais Montréal veut changer. Et a un plan. Hier soir ont commencé des audiences publiques au sujet de l'installation de quatre nouveaux centres de traitement de déchets dans l'île. Plutôt que d'exporter nos déchets organiques de l'autre côté des ponts, on veut construire deux centres de biométhanisation pour transformer ces détritus en énergie, et deux centres de compostage.

Les organismes environnementaux applaudissent ce projet. Mais ils refusent pour le moment de pavoiser, car un spectre se profile à l'horizon, le fameux phénomène du « pas dans ma cour «.

Déjà on fait état de citoyens inquiets dans Saint-Michel, où doit être installé un des centres de compostage, l'autre étant prévu pour Dorval, tandis que Montréal-Est et LaSalle verraient les usines de biométhanisation.

« Il faut absolument que ça aille de l'avant «, m'a-t-on confié hier au conseil régional de l'environnement de Montréal, les doigts croisés. « Il faut qu'on comprenne l'importance de tels projets. «

Jusqu'à présent, Montréal n'a jamais été confronté à l'urgence de la réduction des détritus destinés aux lieux d'enfouissement comme l'a été Toronto, durant les années 2000, quand la Ville s'est retrouvée sans issue. On fonctionne depuis toujours avec l'idée qu'on pourra toujours ensevelir nos saletés quelque part, comme si l'espace était illimité.

Mais les dépotoirs ne sont pas sans fin, il faut se réveiller et si on ne veut pas de crise à la torontoise, il faut arrêter d'envoyer dans les lieux d'enfouissement des déchets putrescibles qui, non seulement prennent inutilement de la place, mais qui en plus posent le danger de servir de vecteurs pour des contaminants quand ils se décomposent en se liquéfiant et en s'infiltrant dans le sol. Ce choix ne se défend plus, surtout, surtout, quand on sait en plus que ces mêmes matières peuvent être utiles. La biométhanisation les transforme en énergie. Le compostage en engrais.

Il est important, cependant, que les citoyens des quartiers visés n'aient pas l'impression d'être les seuls à porter le poids d'une réforme des déchets. Nous devons tous mettre la main à la pâte.

On devrait, par exemple, commencer à imposer des limites aux quantités de déchets traditionnels permises et taxer plus ceux qui tiennent à jeter plus. On pourrait aussi en parler aux autres ordres de gouvernement et commencer à penser sérieusement aux moyens nécessaires pour limiter l'existence de tous ces rebuts qui ne sont ni recyclables ni décomposables.

Car est-ce la faute des consommateurs si on leur vend des produits dans des emballages irrécupérables, encombrants et non compostables ? Non, c'est celle des industriels qui conçoivent mal leurs produits. Cette question-là aussi doit être discutée.

Bref, les poubelles sont dans nos cours à tous. Occupons-nous-en intelligemment.