Une ville a besoin de projets. De petits et de grands. Et celui de la société du Vieux-Port d'installer une plage urbaine sur les rives du fleuve, pas loin de la tour de l'Horloge, fait partie de ces touches ludiques qui donnent à la ville des airs de fête.

Et elle en a bien besoin.

L'entrée sera payante, comme elle l'est pour les piscines municipales ou les patinoires. Environ 5$, m'a dit hier Claude Benoit, présidente et chef de la direction de la société du Vieux-Port. Rien de faramineux. On pourra pique-niquer sur place ou acheter de la nourriture.

Et on pourra surtout, dans un environnement évoquant les vacances avec tout ce qu'il faut de sable, de chaises longues et de parasols, contempler la silhouette de la ville en regardant l'eau passer sous les ponts.

Je suis convaincue que le concept va marcher.

J'y vois des familles le jour et le week-end. Des parents qui s'y retrouvent, placotent, échangent, pendant que leurs petits jouent dans les jeux d'eau (on ne pourra pas se baigner dans le fleuve, dont le courant est très fort à cette hauteur). J'y vois de jeunes adultes le soir. J'y vois des 5 à 7 où on viendra montrer son nouveau paréo. J'y entends des amis qui parlent trop fort, des filles qui rient de se faire draguer par un monsieur muscle ou un lunetté à la Xavier Dolan en maillot à rayures vintage.

J'y sens une odeur d'écran solaire, de limonade.

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Conçue par Claude Cormier, le même architecte qui a donné à Toronto sa magnifique Sugar Beach avec ses parasols roses, la plage du Vieux-Port sera, si l'on se fie aux plans présentés hier par Mme Benoit, juste à la bonne échelle.

Il y aura de la place pour 800 personnes. Mais on ne s'y perdra pas.

Comme sur les places européennes, on pourra s'y retrouver. Pour parler, si on le veut, avec le voisin, l'autre maman en congé de maternité, l'autre lecteur de réalisme magique sud-américain. L'espace public, si tout se passe comme prévu, pourrait ainsi devenir, là, un lieu de conversation, avec le fleuve et la ville en toile de fond.

Espérons simplement que cet esprit continuera de marquer les prochains développements dans le Vieux-Port.

Claude Benoit a en effet d'autres projets. Elle veut que le hangar no 16 devienne un grand lieu d'expositions internationales. Elle espère que l'étage supérieur deviendra un des rares vastes espaces sans entrave où commerçants ou artistes pourraient s'étaler en exposition ou foire. Elle aimerait aussi qu'un lieu commercial naisse au pied de la place Jacques-Cartier, devant le quai du même nom. Avec des restos, des boutiques.

Quand elle me faisait la liste, hier au bout du fil, j'avais des visions pas nécessairement heureuses de Barcelone, dont une certaine partie de la zone plage a pris des airs de Luna Park. Ou alors, je pensais à Sydney, au Darling Harbour avec ses hôtels et ses centres commerciaux, où sans la très grande proximité de l'eau, qu'on peut presque toucher au moindre pas, toute magie se serait envolée depuis longtemps.

Comment faire pour que notre Vieux-Port reste parc sans être pour autant ascétique? Comment faire pour qu'il soit un peu comme le Bo01 de Malmö, en Suède, où on peut traîner dans les rochers en bord de mer, ou assis sur des marches, en regardant le coucher du soleil, une glace à la main, avec les enfants qui s'amusent tout autour? Comment faire pour que ce délicat équilibre entre l'espace public, le vert et les services fort utiles comme les cafés, les musées ou les jolies boutiques, subsiste sans anicroche?

En 2012, rendez-vous sur notre place-plage pour en discuter.