Michelle Obama est en train de faire bouger les choses aux États-Unis.

Bravo.

Comme la très grande majorité des acteurs du monde de l'alimentation et de la nutrition, la femme du président américain confond les questions de l'obésité, de la santé publique et de la nécessité de diversifier l'alimentation américaine, trois thèmes pourtant bien distincts qui doivent être traités de façons différentes.

Mais ce qu'elle accomplit est néanmoins remarquable. Car si ses efforts ne font pas maigrir les Américains et ne les éloignent pas du diabète, des cancers et des maladies cardiovasculaires en croissance, au moins, ils leur feront découvrir les fruits et légumes.

Et c'est déjà beaucoup.

Jeudi, on a appris que Mme Obama avait joué un rôle important dans le nouveau plan quinquennal du géant américain Walmart, qui a décidé de réduire le prix des fruits et des légumes vendus dans ses quelque 3500 grandes surfaces aux États-Unis, en plus de diminuer les quantités de sel et de sucre utilisés dans ses produits transformés et d'en éliminer les gras trans.

«Aucune famille ne devrait avoir à choisir entre des aliments sains et des aliments qu'elle peut se permettre d'acheter», a déclaré jeudi le président de Walmart, Bill Simon.

Et il a tout à fait raison.

Personne ne devrait avoir à acheter une boisson couleur M. Net faute de pouvoir s'offrir une vraie orange. Personne ne devrait avoir à manger un hamburger potentiellement empoisonné à l'E. coli rempli d'additifs faute de pouvoir s'offrir de la viande normale, de qualité, qui a un jour vu le ciel et peut-être même les fleurs et les nuages.

Espérons seulement que les Américains commenceront effectivement à remplacer leurs aliments industriels confits aux produits chimiques par des produits frais, nature, grâce à ces efforts.

La marche est haute, mais soyons optimistes.

Mais soyons aussi réalistes.

Le prix n'est qu'un facteur parmi de nombreux autres qui influent sur les choix alimentaires des consommateurs.

Culture, goûts, habitudes...

Prenez aussi le temps, par exemple. Récemment, un militant américain contre la pauvreté m'a rappelé qu'on aura beau sermonner autant qu'on le souhaite un père de famille qui a deux emplois et lui dire de manger plus de légumes, s'il n'a pas le temps d'en acheter et de les cuisiner, cela ne changera rien. Parions que, entre un brocoli moins cher et un repas tout préparé congelé pas beaucoup plus cher et rassasiant, son choix sera le même.

Grâce à Michelle Obama, le plat préparé en question contiendra peut-être moins de sucre et moins de sel.

Très bien.

Moins d'additifs? Ça, on ne le sait pas. Le sucre et le sel jouent, notamment, un rôle d'agents conservateurs. Par quoi les remplacera-t-on? Fera-t-on comme avec les gras trans, qu'on a souvent remplacés par d'autres gras saturés?

Et puis, pensez-vous vraiment que le père de famille va se mettre à maigrir?

Pensez-vous que des fruits et des légumes moins chers vous feraient maigrir?

Posez-vous la question.

La recherche de solutions commerciales profondes et à long terme pour rétablir des prix décents pour les produits frais américains est une quête importante et louable. Essentielle, même.

Quand on connaît l'étroitesse du répertoire alimentaire de certaines familles américaines, on comprend l'importance de ces efforts pour diversifier le contenu des réfrigérateurs et des garde-manger.

Mais peut-on vraiment faire un lien entre légumes moins chers et lutte contre l'obésité?

En fait, on croit pouvoir faire maigrir toute une population en appliquant universellement la philosophie des régimes amaigrissants. «On va manger plus de légumes, moins de chips.»

Mais vous, quand vous mangez des frites au lieu de légumes, est-ce parce que les frites sont moins chères ou parce que vous en avez drôlement plus envie que d'un brocoli? Et si on vous sermonne sur la teneur en calories des frites, est-ce que cela diminuera vraiment votre envie d'en manger?

Comme l'explique brillamment le journaliste scientifique américain Gary Taubes, auteur de Good Calories, Bad Calories, un livre qui remet en question les idées reçues concernant le poids et les calories, les programmes de santé publique concernant l'obésité reposent sur des fondations bancales.

En gros, explique-t-il, la seule donnée solide avec laquelle on fonctionne, c'est que les gens absorbent trop de calories pour leurs besoins et que c'est pour cela qu'ils grossissent. Sauf que c'est une évidence.

La vraie question, elle, demeure irrésolue, pour ne pas dire souvent non abordée: pourquoi les gens ingurgitent-ils trop de calories pour leurs besoins?

Le prix de certains produits faibles en calorie, comme les fruits et légumes, est une variable. Mais quel est son rôle?

L'Amérique investit des milliards chaque année dans des régimes de toutes sortes - poudres, liquides, livres, consultations de supposés experts. Les Américains font vivre grassement cette industrie, c'est le cas de le dire. Depuis longtemps, donc, ils pourraient investir cet argent dans des fruits et légumes.

Le déséquilibre entre les calories dépensées et les calories ingurgitées par les Américains, cette inéquation qui les fait grossir d'année en année, est une énigme complexe dont ils n'ont pas la réponse.

Mais qu'ils mangent plus de fruits et de légumes en la cherchant est une excellente idée.

Pour joindre notre chroniqueuse : mlortie@lapresse.ca