La nouvelle est étonnante.

Pour inciter les Canadiens à faire plus d'exercice, l'Agence de la santé du Canada aurait demandé à la Société canadienne de physiologie de l'exercice, principal regroupement canadien d'action et de réflexion dans ce domaine, de réviser ses lignes directrices pour la population à la baisse. Pour que les gens bougent plus, il faudrait leur en demander moins.

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D'entrée de jeu, je ne déteste pas l'idée.

En exercice, tout comme en alimentation d'ailleurs, le mieux est souvent l'ennemi du bien. Découragés par des cibles qui leur paraissent inatteignables, l'ego ramassé par des messages de santé publique qui semblent toujours les prendre en défaut, les gens préfèrent tourner le dos aux balises officielles.

Qu'on leur dise de manger huit portions de fruits et légumes par jour ou de faire sept heures d'exercice physique par semaine, je comprends très bien les autres Canadiens de vouloir débarquer du train. Tant qu'à ne jamais être à la hauteur...

Une heure par jour d'exercice, recommande-t-on en ce moment? Je m'entraîne pour des demi-marathons et je ne fais même pas ça, coudonc...

Pour moins décourager les Canadiens, donc, on diminuerait les exigences à deux heures par semaine, nous a indiqué plus tôt cette semaine un reportage de la CBC - sur le site web de la Société canadienne de physiologie de l'exercice, on dit uniquement que les directives seront mises à jour le 24 janvier. Si c'est le cas, alors là, effectivement, je passe de cancre à première de classe.

Est-ce que cela me fera courir plus ou moins ou arrêter ou repartir?

Pas du tout.

Parce que je n'ai jamais écouté les directives au départ.

Parce que je cours pour gérer mon stress, pour le plaisir d'aller bouffer de la lumière en plein mois de janvier, pour bouger... Certainement pas parce qu'un organisme me l'a suggéré.

D'entrée de jeu, je ne déteste pas cette idée de diminuer les exigences pour qu'elles recommencent à être accessibles, réalistes, atteignables. Mais comment ne pas être perplexe devant des directives, quelles qu'elles soient, dans un univers où les recherches, poussées par la science mais tiraillées aussi à gauche et à droite par les intérêts des uns des autres, ne cessent d'envoyer des leçons différentes?

Un jour le vin est bon pour le coeur, le lendemain pas, un jour le café est néfaste, le lendemain pas, un jour 20 minutes de marche par jour est formidable, le lendemain ça prend du gros cardio à tout prix...

Deux heures d'exercice, sept heures d'exercice... Dans le fond, ne fait-on pas tous ce qu'on peut? Quand les fabricants de vêtements ajustent leurs tailles pour nous faire croire que soudainement on est un 2 ou un 4 alors qu'on a toujours porté du 8 ou du 10, ça ne leurre pas grand monde. N'est-ce pas d'abord et avant tout le miroir ou le pèse-personne qui nous ramènent à la réalité? Avec l'aide du médecin...

Est-ce que quelqu'un écoute encore quand on crie: «Au loup, au loup, il faut bouger tant de minutes, tant d'heures, à telle intensité...»

Et si quelqu'un écoute, est-ce que cette personne entendra qu'elle peut enfin être à la hauteur des exigences de la Société canadienne de physiologie de l'exercice en bougeant seulement deux heures par semaine? Ou entendra-t-elle que, dans le fond, on ajuste les exigences de façon arbitraire parce qu'il n'existe pas d'absolu? Ou, comme le craignent certains promoteurs de l'exercice physique, entendra-t-elle que l'exercice est moins important pour la santé qu'on l'a d'abord cru...

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Si le gouvernement canadien et les organismes qui font la promotion de l'exercice physique veulent encourager les Canadiens à bouger, pourquoi ne pas investir directement dans les infrastructures? À Montréal, Ottawa pourrait déneiger la piste cyclable du canal de Lachine pour qu'elle soit «joggable» ou cyclable l'hiver. Ou alors on laisse un côté en neige pour le ski de fond? Et pourquoi ne pas faire du canal une longue patinoire comme le canal Rideau à Ottawa? On pourrait aller au bureau d'échappée en échappée.

Autre axe: pourquoi ne pas commencer à regarder comment on pourrait considérer les coûts liés à l'exercice - entraîneurs privés ou de groupe, abonnements à des gyms ou des centres de sports, etc. - d'une façon semblable aux coûts liés à la santé? Crédits d'impôt? Déductions fiscales? Et est-ce normal que des kinésiologues réputés doivent aller se chercher d'autres formations et d'autres diplômes pour que leurs services d'entraînement sportif soient reconnus par les programmes d'assurance maladie supplémentaires fournis en entreprise?

Et si on exigeait que les employeurs, lorsqu'ils comptent un certain nombre de travailleurs, aient des douches et des vestiaires pour que leurs troupes puissent aller faire du sport le midi - sans nécessairement aller dans un gym à l'extérieur - ou arrivent au travail en vélo ou en courant?

Faire de l'exercice n'est pas seulement bon pour brûler des calories. C'est une excellente façon de gérer le stress et de lutter contre la déprime. Parle-t-on assez de ces bienfaits, dans les milieux de travail et ailleurs? Pourtant, ces effets sont beaucoup plus accessibles que cette taille rêvée qu'on fait miroiter et qu'on associe si souvent à l'exercice alors qu'on sait très bien qu'on ne peut faire d'équation automatique entre minceur et exercice.

Alors, on bouge?